9 jeunes sur 10 adeptes du «parler jeune»

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Première étude du genre en Suisse romande9 jeunes sur 10 adeptes du «parler jeune»

En Suisse romande, neuf jeunes sur dix ont recours au «parler jeune» inspiré des banlieues françaises.

A la différence des garçons, les filles maniant ce langage risquent de se voir déconsidérées par leurs pairs, selon la première étude sur ce sujet en Suisse romande.

Pascal Singy, de la Section de linguistique de l'Université de Lausanne, et Francesca Poglia Mileti, du Département des sciences de la société de l'Université de Fribourg, ont interrogé avec leur équipe 62 jeunes Romands également répartis entre les deux sexes. Ågés de seize à vingt ans et provenant des cantons de Genève, Neuchâtel et Vaud, ils constituaient un échantillon «indicatif de la population».

Inspiré du langage des banlieues françaises et de la culture rap principalement, ce «parler jeune» - ou «parler racaille», comme le formulent certains des sondés - est présent en Suisse romande depuis une dizaine d'années au moins. Certains parmi les plus âgés du collectif interrogé disent en effet s'y être mis dès l'âge de dix ans, voire avant.

Mais plus de la moitié situent entre douze et treize ans les débuts de leur emploi du «parler jeune». Une période qui correspond à leur entrée à l'école secondaire, avec la nécessité de s'intégrer, de s'identifier à un groupe et d'en adopter les attributs vestimentaires et langagiers.

Neuf sur dix

La presque totalité des jeunes interrogés, 56 sur 62, déclarent y recourir, à des degrés divers. La moitié d'entre eux affirment l'employer régulièrement. Quatre sur dix n'en usent qu'en certaines occasions bien précises, et un sur dix y a recours très rarement ou jamais. «Même les jeunes gymnasiens l'utilisent, ce n'est pas un langage de jeunes en rupture, il n'est pas parlé uniquement par des loubards de banlieue», relève M. Singy, interrogé par l'ATS.

Les scientifiques relèvent trois fonctions à ce langage: identitaire (appartenance au groupe), cryptique (imperméabilité aux adultes, par exemple) et ludique (amusement de leurs interlocuteurs). Pascal Singy souligne à ce propos «le jeu avec la langue», notamment par le «verlan». Certains jeunes y voient aussi un côté défoulant grâce aux insultes à disposition.

Un risque pour les filles

Tous les membres du collectif sont d'avis que le «parler jeune» concerne tant les filles que les garçons. Mais certains relèvent des différences: les filles elles-mêmes expriment ainsi la conviction d'en offrir une pratique «adoucie», moins «agressive». «Elles l'utilisent un peu moins souvent et de manière un peu moins vulgaire», note Francesca Poglia Mileti.

«Le jugement porté sur le locuteur varie, les filles sont plutôt dévalorisées lorsqu'elles parlent jeune», poursuit la scientifique. En abusant de ce type de langage, elles risquent de se voir déconsidérées aux yeux de leurs pairs.

Filles et garçons confondus, une part non négligeable de l'échantillon juge que ce type de parler ôte aux filles «toute forme d'attrait» aux yeux des garçons. Et aucune des filles interrogées ne portait un regard véritablement admiratif sur le «parler jeune», qui renverrait à des attributs fondamentalement masculins.

Pas avec les adultes

La plupart des jeunes ne considèrent pas ce type de langage comme approprié lorsque l'interlocuteur est un parent, un professeur ou un employeur. D'ailleurs, près d'un sur deux estime que, d'une manière qui semble relativement naturelle, sa pratique du «parler jeune» changera quand il gagnera en maturité.

En cela, ils font preuve de lucidité. Les chercheurs ont en effet également questionné des représentants du monde patronal et de la formation professionnelle. Tous sont d'accord pour considérer que le «parler jeune» ne peut que nuire à l'image de l'entreprise, et au jeune lui-même, qui s'isole par ce mode de communication. Quant aux signes extérieurs associés, vestimentaires en particulier, ils sont jugés péjorants.

Cédric, 18 ans, Genève (vidéo: 20 minutes online):$$VIDEO$$

Melinda, 16 ans, Lausanne (vidéo: 20 minutes online):$$VIDEO$$ (ats)

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