Pour les météorologues«Cette vague de froid n'a rien d'inhabituel»
Les basses températures actuelles, bien qu'intenses, ne sont pas rares dans l'hémisphère nord en hiver, a affirmé mardi un membre de l'Organisation météorologique mondiale (OMM).
La vague de froid actuelle, bien qu'intense, n'est pas un phénomène inhabituel dans l'hémisphère nord en hiver, a affirmé mardi à Genève Omar Baddour, de l'Organisation météorologique mondiale (OMM). Et elle ne remet pas en cause le phénomène du réchauffement climatique.
L'afflux d'air polaire vers l'Europe est dû à un anti-cyclone sur la Sibérie qui s'est constitué dans la dernière semaine de janvier et s'est étendu graduellement. Ce système «bloquant» empêche les températures plus douces et les perturbations maritimes de gagner le continent depuis l'ouest comme elle le font habituellement de décembre à fin février.
Combiné à un fort courant humide en provenance de Méditerranée, il a aussi entraîné des chutes de neige très importantes autour de cette mer. Un système similaire est responsable de l'hiver froid 2009-2010, relève l'OMM. Les températures mesurées ces derniers jours sur le continent, bien que très rigoureuses, ne constituent pas des records, ajoute-t-elle.
Par contraste, le phénomène a eu pour conséquence d'entraîner de l'air doux de l'Atlantique vers l'Islande et la région arctique. A Svalbard (Spitzberg), le thermomètre a atteint plusieurs fois les 5 degrés Celsius ces derniers jours, soit plus qu'à Milan ou Istanbul. La majeure partie de l'Amérique du Nord a aussi été inhabituellement tempérée.
Selon l'OMM, le phénomène actuel serait au moins partiellement imputable à l'»oscillation arctique», soit la différence de pression entre les régions polaires et les zones de moyenne latitude, où vit la majeure partie de la population européenne.
Air doux sur l'Arctique
Cette oscillation serait actuellement «négative», ce qui favorise des conditions froides en Europe et relativement douces sur l'Arctique. Le phénomène s'est répété plusieurs fois ces dernières décennies, et notamment durant les cinq dernières années, a relevé M. Baddour.
Il ne remet aucunement en question la thèse du réchauffement climatique, a-t-il souligné. «Il s'agit d'un épisode restreint dans le temps et l'hiver avait auparavant été très doux».
On ignore si le phénomène est appelé à devenir fréquent à l'avenir, a-t-il ajouté. Mais la fonte des pôles, en changeant la salinité de l'océan et le régime du Gulf Stream, pourrait paradoxalement conduire à des hivers plus froids en Europe. Cette théorie demande toutefois encore à être vérifiée, a précisé M. Baddour.
450 morts
Le bilan humain et matériel du grand froid qui devrait persister au moins jusqu'à la semaine prochaine en Europe s'est encore alourdi mardi. Il dépasse les 450 morts, toutes causes confondues. La partie orientale du continent paye toujours le plus lourd tribut.
Des centaines de villages d'Europe de l'Est se trouvaient isolés en raison de fortes chutes de neige et de vents violents. Dans certaines régions, le mercure continue de flirter avec des records proches de -40°C. Plusieurs pays mettent déjà en garde contre les risques d'inondations lorsque se fera sentir un redoux.
En Ukraine, pays le plus durement touché, un retraité de 62 ans est décédé faute de soins médicaux, l'ambulance qu'il avait appelée étant immobilisée par la neige. Au moins 136 personnes y sont mortes de froid depuis le 27 janvier.
Asphyxie
Le nombre des décès par hypothermie en Pologne s'élève désormais à 68, avec six morts de plus en 24 heures, a annoncé la police. Mais la vague de froid fait aussi des victimes dans les habitations - 50 morts au total par asphyxie due à des incendies ou des intoxications au monoxyde de carbone.
En Roumanie, avec un bilan de 36 morts, les écoles étaient fermées dans 11 départements ainsi qu'à Bucarest. Plusieurs trains ont été annulés et la circulation fermée sur une quarantaine de routes nationales.
En Bulgarie (16 morts depuis la fin janvier), des tempêtes de neige se sont de nouveau abattues mardi sur le pays. L'ensemble du trafic était bloqué dans le nord-est. Le seul pont pour traverser le Danube et se rendre en Roumanie était fermé.
En Serbie, en «situation d'alerte» officielle, la neige qui continue de tomber rend la situation de plus en plus critique. Des dizaines de milliers de personnes sont coincées dans des villages coupés du monde, tout comme en Croatie et en Bosnie. Le trafic fluvial sur le Danube est perturbé. Belgrade va faire appel à des brise-glace.
Rail cassé en Suisse
Plus à l'ouest, la situation reste aussi difficile. En Allemagne, le froid a tué un septuagénaire retrouvé mort gelé près de sa voiture en Basse-Saxe. Le bilan se monte à au moins 4 morts, selon les médias.
En France, craignant des coupures de courant, les autorités appellent à moins faire fonctionner les chauffages, un nouveau pic historique de consommation étant annoncé pour mardi soir. Le pays a enregistré un sixième mort, décédé par hypothermie après une chute.
Le gouvernement italien a convoqué une réunion d'urgence afin de garantir la fourniture de gaz aux zones vulnérables du pays alors que la neige est arrivée jusqu'en Sicile. L'Italie a vu le bilan s'aggraver à 30 morts. Dans le nord, la température est tombée à - 25°C.
Toute la journée, la neige est tombée en abondance sur le sud du pays, en particulier sur l'Irpinia, zone montagneuse de la Campanie (autour de Naples) qui a décrété l'état d'urgence pour mobiliser secours et moyens financiers, la Basilicate, un peu plus au sud alors que les flocons sont arrivés aux portes de Palerme en Sicile.
(ats)