Votations fédéralesLe cinéma suisse fait la grimace
L'Union européenne (UE) ne veut pas entamer de négociations avec la Suisse sur le renouvellement du programme de soutien au cinéma Media. Elle attend que la Confédération ratifie l'extension de la libre circulation des personnes à la Croatie.

Le réalisateur Jean-Stéphane Bron a fait un film sur Christoph Blocher, sorti l'an passé.
Le porte-parole de la Commission européenne Dennis Abbott a confirmé mardi à l'ats cette information diffusée par la radio RTS. Le programme Media permet aux professionnels du cinéma en Suisse de bénéficier du même soutien que leurs homologues de l'UE. Quelque 250 personnes en ont profité dans le domaine de la formation continue sur les sept dernières années.
La Suisse a contribué au programme à hauteur d'environ 7,3 millions de francs par an entre 2007 et 2013. En retour, 114 projets de films ont pu être menés à bien entre 2006 et 2012. Les salles de cinéma ou les télévisions en ont diffusé 44%, précise l'Office fédéral de la culture dans un document de présentation, qualifiant ce taux d'élevé.
Accord signé en 2004
La participation suisse offre à ses films de meilleures chances de projection à l'étranger. En outre, par le soutien à la distribution de films européens, l'accord élargit l'offre pour les salles suisses de cinéma, explique la Direction des affaires européennes sur son site internet (DAE).
La Confédération a signé en 2004 l'accord qui est entré en vigueur en 2006 et a été renouvelé en 2009. Le Conseil fédéral dispose depuis septembre dernier d'un mandat de négociations en vue de son renouvellement pour la période 2014-2020, indique la DAE.
Un second volet en jeu
Media constitue un volet du programme-cadre «Creative Europe». Ce dernier doit régler la collaboration culturelle en Europe pour la période 2014-2020. Les instances culturelles suisses se battent pour participer, outre à Media, à un second volet du projet, «Culture».
Celui-ci englobe les prix de la littérature et de l'art, ainsi que le label des capitales culturelles européennes. L'Office fédéral de la culture veut éviter que la Suisse soit exclue de ces sous-programmes. (ats)
Réactions
«Le cinéma suisse entre au purgatoire» après la décision de l'UE de bloquer le programme Media. La formule est de Frédéric Maire, directeur de la Cinémathèque suisse, interrogé sur les ondes de la RTS. «Des films comme ceux de Lionel Baier ou de Jean-Stéphane Bron se feront, mais beaucoup plus difficilement».
Frédéric Maire parle de «claque» et de «retour à l'âge de pierre». «Nous n'existerons plus sur la planète européenne. Et nous serons aussi exotiques que les cinéastes thaïs ou chiliens».
Il estime ce soutien du programme européen Media indispensable à la production et à la distribution de films suisses dans les pays de l'Union européenne (UE), mais aussi, à l'inverse, de films européens dans les salles obscures helvétiques.
«Certaines personnes affirment que les sommes versées par la Suisse et par l'UE sont équivalentes. Que la fin de ce programme ne serait donc pas grave, lâche Frédéric Maire. Mais les professionnels voient une grande différence. Ils sont considérés comme des égaux par leurs collègues européens. Les co-productions et les films se font plus facilement. Tout est plus simple».
Etudiants et recherche
Toujours en Suisse romande, Gérard Ruey, producteur à la tête de CAB Productions, ne mâche pas ses mots. «C'est catastrophique pour le cinéma suisse», a-t-il déclaré mardi à l'ats. «Nous perdons les financements, mais nous sommes également exclus du réseau européen».
«Le cinéma suisse vit ce que les étudiants et la recherche viennent de connaître avec le blocage d''Erasmus' et d''Horizon 2020'.» Comme les étudiants, les cinéastes et les producteurs vont déposer leurs demandes, espérant un retournement de situation.
«On peut imaginer que l'Office fédéral de la culture mette à nouveau en place des mesures compensatoires comme c'était le cas avant le programme Media, a-t-il encore relevé. Le financement est une chose, mais être exclu du réseau en est une autre».
Concrètement, CAB Productions a reçu 150'000 euros grâce au programme européen Media comme mesure de soutien au développement de cinq projets. Le film «Left foot, right foot», nominé cette année au Prix suisse du cinéma en fait partie.