«Un camouflet sans précédent pour la justice»

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Affaire Sperisen à Genève«Un camouflet sans précédent pour la justice»

Le Tribunal fédéral (TF) a admis partiellement le recours de l'ex-directeur de la police nationale du Guatemala, condamné à la prison à vie pour l'exécution de dix détenus.

Edwin Sperisen est incarcéré depuis cinq ans à la prison de Champ-Dollon (GE).

Edwin Sperisen est incarcéré depuis cinq ans à la prison de Champ-Dollon (GE).

Keystone

Dans un arrêt d'une centaine de pages, le TF annule la condamnation d'Erwin Sperisen. Il reproche à la justice genevoise ne ne pas avoir offert à ce dernier «des garanties suffisantes en relation avec l'audition de plusieurs témoins auxquels il n'a pu être confronté».

Nombreuses lacunes

Les lacunes de la procédure cantonale concernent en particulier le rôle d'Erwin Sperisen en rapport avec le décès d'un détenu et la capture d'un autre. Le TF reproche au jugement de la Chambre pénale, qui avait condamné Erwin Sperisen en appel, des développements «insuffisamment motivés» et «arbitraires» sur plusieurs points essentiels.

L'arrêt de la cour cantonale viole gravement le droit d'être entendu d'Erwin Sperisen en ce qui concerne le refus d'entendre des témoins clés, auxquels l'instance genevoise s'est référée à diverses reprises pour établir que des détenus décédés avaient été capturés vivants et s'agissant des circonstances du décès de l'un d'entre eux.

Insuffisances du verdict de condamnation

Les développements de la Chambre pénale ne répondent pas non plus aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme lorsqu'elle se réfère aux conclusions d'enquêteurs de la Commission internationale contre l'impunité au Guatemala, alors que le contenu même de leurs investigations et les preuves sur lesquelles les enquêteurs se sont fondés ne sont pas connus avec précision.

Le TF juge également arbitraire l'appréciation opérée par la cour cantonale de certaines preuves. Il souligne les insuffisances de la motivation du verdict en relevant diverses violations du droit d'être entendu d'Erwin Sperisen.

Principe d'accusation bafoué

A propos de l'opération «Gavilan», qui s'était soldée par le décès de trois détenus en cavale, le TF juge que le principe de l'accusation n'a pas été respecté. Car le jugement de la Chambre pénale a retenu pour fonder la responsabilité d'Erwin Sperisen qu'il avait participé à des actes de torture sur des détenus, alors que ces faits ne figuraient pas dans l'acte d'accusation.

D'autres griefs émis par Erwin Sperisen sont en revanche jugés irrecevables. L'ex-chef de la police nationale du Guatemala soutenait que les sept décès intervenus à la prison de Pavon étaient intervenus dans le cadre d'une véritable confrontation armée qui aurait opposé les détenus aux forces de l'ordre.

Le TF juge qu'il n'était pas arbitraire de retenir qu'il s'agissait d'homicides planifiés et que les victimes ont été exécutées par un «commando» réunissant tant des membres des forces de police que des personnes externes.

Explosion de joie

La nouvelle n'a pas manqué de réjouir le camp d'Erwin Sperisen. Dans un communiqué, ses avocats ont fait savoir que sa famille et ses proches «ne peuvent contenir leur joie en constatant que les graves violations des droits de l'Homme perpétrées par la justice pénale genevoise sont enfin sanctionnées». «Il s'agit d'un camouflet sans précédent pour la justice genevoise, a déclaré Me Giorgio Campa sur les ondes de la RTS. L'avocat de la défense parle d'une «très grande victoire», ajoutant qu'«une terrible injustice vient d'être rétablie».

Double-national guatémaltèque-suisse, Erwin Sperisen a occupé le poste de directeur générale de la Police nationale du Guatemala de juillet 2004 à mars 2007. Le 25 septembre 2006, une opération avait abouti au décès de sept détenus. Venu se réfugier en Suisse en 2007, Erwin Sperisen avait été renvoyé devant la justice genevoise et condamné à une peine de privation de liberté à vie en 2014.

Le double national est incarcéré depuis cinq ans à la prison de Champ-Dollon. Ses différentes demandes de mise en liberté ont été toutes rejetées. Ses avocats ont récemment dénoncé un «traitement dégradant» et l'extrême longueur de la détention. (arrêt 6B_947/2015 du 29 juin 2017) (nxp/ats)

(NewsXpress)

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