GenèveLe répétiteur trentenaire couchait avec son élève
Le Tribunal de police a jugé mardi une relation nouée sur fond de domination dans la communauté philippine.

L'élève venait d'arriver des Philippines à Genève lorsqu'elle a été mise en contact avec le prévenu.
i_stockJackie* avait 15 ans en 2001, Oscar* 31 ans. Elle arrivait des Philippines, ne parlait pas français, était désorientée, déracinée. Originaire du même pays, il enseignait les langues, était un modèle d'intégration et de réussite. Bel homme, prisé des femmes. La mère de l'enfant l'a mise en contact avec l'adulte afin qu'il soit son répétiteur. Il fut son amant, dit-il - ou son bourreau, affirme-t-elle.
L'homme était jugé lundi pour viol et actes d'ordre sexuel avec des enfants. Jackie a porté plainte en 2015. Face à la Cour, elle pleure. «Je suis très triste de tout ce que la petite fille, l'adolescente que j'étais a subi, de la manipulation. L'éducation sexuelle devrait se faire dans des conditions de tendresse et de gentillesse.» Lui nie. Il dit ne pas s'expliquer la plainte. «Je réfute toujours ces accusations, mais je me sens quand même mal d'être sorti avec quelqu'un de 16 ans. Je regrette de ne pas avoir vu le décalage. Mais c'est mon point de vue maintenant. A l'époque, j'étais immature et amoureux.»
Désert numérique
L'époque était un désert numérique, ce qui complique la tâche de la justice. Pas de photos sur les réseaux sociaux, pas de SMS, aucune des traces qui documentent presque fatalement toute relation contemporaine. Reste donc le récit de la plaignante. Elle fait état de baisers et de caresses répétés jusqu'à ses 16 ans, sa majorité sexuelle. «Pendant toute cette période préparatoire, Oscar va façonner l'enfant Jackie, jusqu'à ce qu'il puisse lui prendre sa virginité», plaide le procureur Lobsang Duchunstang.
Une culture où l'on ne dit pas non
Le viol découlerait de ce patient conditionnement, de cette unité d'action. Lors de son premier rapport sexuel, «la jeune adolescente est prisonnière d'une relation qu'elle ne comprend pas». Le magistrat décrit une culture philippine où dire non à un aîné ne se fait pas et un rapport de domination intellectuel et social entre l'adulte et l'adolescente. Oscar assure que plusieurs connaissances lui avaient rapporté qu'il plaisait à la jeune fille. «Mais que fait normalement un homme de 32 ans dans une telle situation?, demande le procureur. Il érige un mur! L'enfant Jackie n'était pas consentante. L'adulte Jackie a pu le dire.» Il la juge crédible, constante, souligne qu'elle ne tire aucun bénéfice de l'accusation.
«Une affabulatrice»
«Nous avons affaire à une affabulatrice», affirme en revanche Me Andreia Ribeiro, l'avocate d'Oscar. «Ce qui m'interpelle ici, c'est la capacité à construire une histoire avec un dossier vide de preuves.» Son client a toujours fait état d'une relation amoureuse avec la plaignante. «Il n'y avait rien de secret.» Il exclut que l'histoire ait débuté avant ses 16 ans. Et il aurait cessé de la voir lorsqu'il a rencontré celle qui est aujourd'hui encore sa femme, tout en l'invitant à son mariage. «Les regrets ou la différence d'âge ne suffisent pas à établir un viol, affirme Me Ribeiro. La seule question qui se pose est: ces rapports étaient-ils contraints? Non. Et les larmes de Jackie n'y changeront rien.»
Le procureur a requis 18 mois de prison avec sursis, l'avocate du prévenu l'acquittement. Le verdict sera rendu ce mardi en début de soirée.
*Prénoms fictifs