Genève«Ils hurlaient Allah Akbar depuis la façade nord»
Les rixes de 2014 à Champ-Dollon étaient jugées mercredi. Des avocats accusent la prison d'avoir sciemment mis en danger les détenus.

Début 2014, à l'époque des rixes, la surpopulation carcérale avait atteint 240%.
photo: Keystone/Jean-christophe Bott«Le 23 février, ça a été une surprise. Le 24 et le 25 en revanche, on savait qu'il y aurait de nouveaux contacts entre eux.» L'affirmation d'un gardien de Champ-Dollon, hier au Tribunal, a choqué plusieurs avocats. L'agent, plaignant dans l'affaire des émeutes qui opposèrent en 2014 les détenus Maghrébins et Albanais, a aussi précisé qu'un service médical ad hoc avait été préparé, le 24, par anticipation.
«Ils anticipent, mais autorisent la promenade. C'est hallucinant», tempête Me Robert Assaël. «C'est incroyable d'apprendre, deux ans après, que tout le monde savait, le 24, qu'il y aurait une bagarre», appuie Me Ilir Cenko. «Si ça, ce n'est pas de l'exposition à un danger grave ou de mort...», renchérit Me Nicola Meier. Il évoque 27 prisonniers envoyés «dans l'arène» pour la promenade de l'après-midi, le 24.
«Quand on est entré dans la cour, des couteaux pour manger tombaient par les fenêtres, décrit le gardien. Toute la façade nord criait Allah Akbar. Nous avons dû reculer. C'était trop dangereux.» Au départ, un Maghrébin avait attaqué un Albanais avec une lame de rasoir. Selon la déposition d'un prévenu, «les Arabes demandaient des couteaux à ceux aux fenêtres, criaient «jihad», et disaient de tuer les Albanais des étages.»
Notant que l'exposition est poursuivie d'office, Me Meier s'étonne que le Ministère public n'ait pas agi. «Peut-on accepter, dans ce contexte, qu'on dise: ouvrons la promenade, allez-y? J'aimerais qu'après ce procès, le Parquet (ndlr: absent hier) donne suite. Sinon je le saisirai.»
Deux des quatre prévenus punis
Les émeutes interethniques de 2014 ont fait plus de 30 blessés en trois jours. En 2015, le Parquet a délivré 31 ordonnances de condamnation. La moitié ont été contestées. Hier, après une instruction «minimale», pour reprendre l'adjectif poli de Me Cenko, quatre prévenus étaient jugés pour le 24 février. Deux ont été condamnés pour rixe (et lésions corporelles simples pour le premier) à 120 et 90 jours de prison, deux ont été acquittés. Les plaignants, trois détenus et un gardien, ont obtenu entre 2000 et 3000 fr. de tort moral.