GenèveLa Ville maintient l'expo de photos qui fâche la Turquie
Au nom des droits humains, le Conseil administratif refuse de retirer une image qui met en cause le président turc. La communauté turque réagit.

Le photographe genevois d'origine kurde et arménienne Demir Sönmez montre le cliché qui provoque la colère des autorités turques. (photo: Keystone)
photo: Keystone/Salvatore di Nolfi«Attachée à la liberté d'expression», la Ville de Genève maintient l'autorisation accordée jusqu'à dimanche prochain à une exposition de photos qui s'est attirée les foudres du consulat de Turquie à Genève. Ce dernier a téléphoné au Département municipal de l'environnement urbain vendredi 22 avril pour exiger le retrait d'une image montrant un adolescent tué en 2013 lors des manifestations de la place Taksim à Istanbul «sur l'ordre du premier ministre turc». Un texte qui vise Recep Tayyip Erdogan, actuel président turc et premier ministre à l'époque.
«La Ville n'a d'ordres à recevoir de personne», a déclaré la maire Esther Alder, qui précise ne pas avoir reçu de demande officielle de la part de la Turquie dans cette affaire. Le Canton, lui, n'est pas intervenu. Pour le Conseil administratif, «cette exposition participe à la défense de la liberté d'expression et à la mise en valeur de Genève, (...) capitale des droits humains».
Le consulat est resté injoignable ce mardi. Ce n'est pas la première fois que les autorités turques font pression sur Genève pour des motifs politiques. Elles avaient ainsi obtenu l'an passé l'abandon d'un projet de mémorial du génocide arménien, près de l'ONU.
Opposition à Erdogan
La plupart des associations turques contactées n'ont pas souhaité s'exprimer officiellement. Mais la politique du gouvernement Erdogan et la personnalité du président suscitent visiblement beaucoup d'opposition parmi les Turcs de Suisse romande, comme nous l'ont confirmé nombre d'entre eux. «Ce qui dit le texte de la photo est totalement vrai», souffle un homme, qui a souhaité rester anonyme. Un autre rappelle que la communauté avait dénoncé publiquement, notamment à Genève, la violente répression des manifestations sur la place Taksim à Istanbul et dans le reste du pays, en 2013. «Je respecte la décision de la Ville», ajoute un ressortissant turc établi au bout du lac.
Un amalgame?
Plusieurs interlocuteurs déplorent cependant un amalgame, à l'instar de Mehmet Sahingoz, de l'association des Turcs de Lausanne: «En diabolisant Erdogan et sa politique, on a l'impression que l'on veut attaquer à travers lui la Turquie et son image».
Celâl Bayar, président de la Fédération des associations turques de Suisse romande, estime de son côté que «l'on peut penser que la photo et le texte qui l'accompagne sont injurieux, mais cela relève sans aucun doute de la liberté d'expression». Selon lui, cette affaire a cependant «été instrumentalisée à des fins politiques qui concernent d'abord Genève. Le secret de fonction a été bafoué puisque l'appel du consulat à l'administration s'est retrouvé très vite dans les médias».