GenèveLe chef de la bibliothèque de Genève a été suspendu
Après cinq ans et quatre mois de dysfonctionnements multiples, le directeur de l'institution a été relevé de ses fonctions.
«La Bibliothèque de Genève est un navire qui peine à trouver sa voie, l'équipage est découragé.» Isabelle Terrier, présidente de la Cour des comptes (CDC), a résumé ainsi vendredi matin les nombreux troubles émanant de l'institution rattachée au Département de la culture et du sport (DCS) de la Ville. L'audit de la Cour, saisie en mars 2017 par le magistrat de tutelle, Sami Kanaan, a été rendu public vendredi. Résultat: 21 recommandations, et un directeur, le Belge Alexandre Vanautgaerden, écarté de son poste après cinq ans. Le climat de travail était jugé très mauvais depuis son arrivée. L'instance de contrôle évoquait une «éventuelle remise en cause des rapports de travail avec les personnes concernées par les constats du rapport».
«Nous avons mené 75 entretiens» sur 103 employés, a précisé Isabelle Terrier. Beaucoup de collaborateurs souhaitaient être entendus pour témoigner de leur ressenti. «72% des auditionnés trouvaient le comportement du directeur inadéquat, les termes menaces et dénigrement ont été prononcés. Faire des rocades d'horaires entre collègues était refusé aux salariés. Cette ambiance ne donnait pas envie d'évoluer vers les nouveaux défis du monde des bibliothèques et engendrait beaucoup de souffrance.»
Les signaux d'alarme se sont multipliés au long de ces cinq ans de service du directeur. Plusieurs citoyens avaient déjà, en 2016, fait état à la CDC de «la communication catastrophique interne à la BGE». Selon la Cour, la surveillance de la BGE par le Département de la culture a été lacunaire. «Le suivi du directeur par le DCS n'a pas été effectué correctement. Les mesures d'accompagnement annoncées en septembre 2014 par le Département n'ont pas été suivies avec suffisamment de soins.»
Sami Kanaan, en charge du DCS, n'a pourtant pas fait son mea culpa vendredi. «L'Unité de santé à la direction des ressources humaines a été saisie, nous avions fait appel à la Haute Ecole de gestion pour auditer la BGE. On a cru à un moment que ça allait mieux. On s'est trompé.» Le personnel de la BGE a pris connaissance du rapport vendredi matin. L'Office cantonal de l'inspection du travail pourrait à son tour pointer du doigt des problèmes de santé au travail, liés à la très mauvaise ambiance sous la direction d'Alexandre Vanautgaerden. Des mesures contraignantes pourraient être prononcées contre la Ville.
Selon l'élu municipal PDC Jean-Charles Lathion, le directeur débarqué de la BGE, débauché en Belgique, était une «erreur de casting. Genève a les ressources pour former une personne adéquate pour ce poste.»
Parmi les 21 recommandations émises par la Cour des comptes, une trop grande implication du directeur dans des travaux scientifiques plutôt que dans la gestion de la BGE, ou des notes de frais gérées aléatoirement - relevant «plus de la négligence que de la malveillance», selon la CDC -, ont été pointées du doigt.
Pour rappel, la BGE dépend de la Ville de Genève. Elle est la quatrième plus grande bibliothèque de Suisse et est répartie sur quatre sites: les Bastions, le Musée et Institut Voltaire, le Centre d'iconographie et la Bibliothèque musicale du Grütli. Son catalogue contient 7'284'906 documents.
Recours du directeur
Représenté par Me Philippe Eigenheer, Alexandre Vanautgaerden ne souhaite pas entrer dans les détails de cette affaire, mais "conteste les éléments qui lui sont reprochés". Son avocat précise ainsi qui a fait recours contre la décision de suspension.