Les trafiquants des Balkans attaquent la coke

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GenèveLes trafiquants des Balkans attaquent la coke

Bouleversement sur le marché des stupéfiants. Les dealers albanophones se lancent à la conquête du marché, tenu par des réseaux africains.

Jérôme Faas
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Jérôme Faas
Les prix de la cocaïne, au plus haut, attirent les convoitises.

Les prix de la cocaïne, au plus haut, attirent les convoitises.

Le milieu albanophone, roi de l'héroïne depuis vingt ans, se diversifie. Il investit le marché de la cocaïne, dévolu jusqu'alors aux trafiquants de l'Afrique de l'Ouest, en Suisse romande du moins. Le mouvement, amorcé en 2013 selon Jean-Philippe Brandt, porte-parole de la police genevoise, est devenu visible ce printemps. Le commissaire d'Annemasse (F) Philippe Guffon confirme la chose.

Ainsi, en avril, après avoir pincé des Albanais avec 13 kg d'héroïne à Malagnou, la police trouvait quatre kilos de plus dans un hôtel thurgovien, à côté de 1 kg de coke. Et le 10 juillet, un Albanais était arrêté à Annemasse avec 226 g d'héroïne et... 62 g de cocaïne.

Cause de ce glissement, la perte d'attractivité de l'héroïne, de moins en moins tendance. «Les nouveaux drogués vont vers la cocaïne et le cannabis», observe Jean-Philippe Brandt. Le prix de l'héroïne, du coup, a plongé: 20 fr. le gramme des deux côtés de la frontière. La coke, elle, se négocie près de cinq fois plus cher. Les albanophones ont fait leurs calculs. «Ils sont définitivement ancrés dans la coke eux aussi», dit Philippe Guffon.

«La vente de terrain, le deal de rue, en revanche, restent assurés par des Africains», qui ont diversifié leurs fournisseurs, note Jean-Philippe Brandt. Le milieu Albanais, lui, alimente une clientèle plus haut de gamme. «Vraisemblablement, ils écoulent la marchandise discrètement, dans le monde de la nuit.»

"Guerre à prévoir"

Les réseaux albanais n'ont pas chassé le milieu africain du marché de la coke: les procès printaniers liés à ce trafic, à Genève, concernaient des filières aux patrons de Guinée-Bissau. Et la police dit n'avoir pas noté de tensions entre les deux communautés dans le canton, vierge de gros négoces. «Ici, on n'a jamais saisi un camion de 600 kg de drogue.» Le commissaire français Guffon, lui, juge que «si la tendance persiste une guerre de territoires pour les meilleurs points de revente dans le bassin est à prévoir.»

La Suisse romande, une exception

L'ultra-spécialisation du milieu albanophone sur l'héroïne, qui disparaît, était une spécificité romande. «Outre-Sarine, en Allemagne, en Italie, ils étaient déjà pluridisciplinaires», indique la police genevoise. A Annemasse (F), le commissaire Philippe Guffon relate qu'avant de se diversifier, les dealers d'héroïne albanais offraient quelques grammes de cocaïne en prime à leurs bons clients. La police du bout du lac observe par ailleurs qu'en plus de la coke, le milieu albanais propose aussi du cannabis.

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