SciencesMouvements moléculaires mis en scène dans un film
Des scientifiques de l'UNIGE et de l'EPFZ ont reproduit la restructuration d'une molécule qui a perdu un électron.
Des chercheurs de l'Université de Genève (UNIGE) et de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) ont mis au point une technique d'observation permettant de réaliser de petits films de mouvements moléculaires ne durant que quelques millionièmes de milliardième de seconde.
Un article traitant de ces travaux est publié dans la revue «Science».
Les molécules sont des structures stables. Mais lorsque l'une d'elles perd un de ses électrons, elle est souvent modifiée et doit se restructurer afin de retrouver une stabilité. Elle effectue donc différentes modifications de sa structure électronique qui lui permettent de compenser cette perte, pouvant même aller jusqu'à une modification chimique de la molécule.
Molécule volontairement déstabilisée
«Nous savions qu'il était possible d'observer les mouvements des atomes dans les molécules. Nous avons donc voulu mettre au point une technique qui nous permettrait d'en faire un film en provoquant nous-mêmes la perte de stabilité d'une molécule choisie, le CF4 (le tétrafluorure de carbone)», explique Jean-Pierre Wolf, professeur à la Section de physique de l'UNIGE, cité mardi dans un communiqué.
Sous l'impulsion du réseau national de compétences MUST (Molecular Ultrafast Science and Technology), et avec l'équipe de Hans Jakob Wörner de l'EPFZ, les chercheurs genevois ont observé la molécule CF4 aux rayons X, puis lui ont arraché un électron, à l'aide d'un laser à infrarouge très intense.
Perturbée par cette perte, la molécule s'est trouvée dans l'obligation de se séparer d'un atome de fluor et est devenue CF3 pour retrouver sa stabilité. «Nous avons ensuite reconstruit les images de ces mouvements de restructuration grâce à des mesures de l'énergie des électrons, et nous les avons comparées les unes aux autres, ce qui nous a permis d'en faire un film», ajoute Jean-Pierre Wolf.
«Fenêtre de l'eau»
Il y a trois accélérateurs de particules de par le monde qui permettent une observation très précise de molécules, dont le SwissFEL, au Paul Scherrer Institut à Villigen (AG). Mais ces machines coûtent très cher et sont extrêmement volumineuses.
Les scientifiques de l'UNIGE et de l'EPFZ ont quant à eux réussi à atteindre pour la première fois la fenêtre d'énergie appelée «fenêtre de l'eau», dans laquelle l'eau, sous forme liquide, laisse passer les rayons X qui permettent de voir des atomes tels que l'oxygène ou le carbone dans des molécules organiques, essentielles à la vie, à l'aide d'un matériel laser accessible facilement à tous les laboratoires, car beaucoup moins cher et non volumineux.
Il permet de surcroît d'étudier spécifiquement le comportement d'un atome choisi dans la molécule lors de sa transformation. «Cette réussite nous ouvre la voie à la prochaine étape, réaliser une expérience en milieu liquide et non plus gazeux, ce qui nous permettra certainement d'observer le comportement des molécules du vivant», conclut le Pr Wolf. (nxp/ats)