Égalité des genresSexistes, les passages-piétons?
La ville de Berne a voté une loi qui rend le langage administratif plus neutre, dans le but de favoriser l'égalité entre hommes et femmes. Quid en Suisse romande?
Fini les mots à consonance trop masculine ou féminine! C'est en tout cas la volonté de la municipalité bernoise. Le texte adopté vise à gommer les inégalités entre les femmes et les hommes en s'appuyant sur le langage. Ainsi, les mots véhiculant une trop forte connotation liée au genre seront désormais bannis du vocabulaire officiel de la municipalité.
Concrètement, l'expression «passage pour piétons» (Fussgängerstreifen en allemand) est jugée trop mâle et devient «lignes zébrées» (Zebrastreifen). Autre exemple, pour désigner leurs collaborateurs, les fonctionnaires bernois ne pourront plus utiliser le mot «équipe» (Mannschaft), mais devront employer l'anglicisme «team», jugé plus neutre. Ces terminologies épicènes (aux travers desquelles ne transparaît aucune connotation liée au genre) vont donc devenir la norme au sein de l'administration bernoise, et donner du fil à retordre aux rédacteurs de rapports officiels qui devront trouver de nouvelles tournures.
Si cette disposition de la Ville de Berne fait sourire les médias alémaniques, est-elle réellement utile dans le combat pour atteindre une vraie égalité hommes-femmes? «Le langage est porteur de messages et de stéréotypes», répond Muriel Golay, directrice ad interim du Service pour la promotion de l'égalité entre homme et femme du canton de Genève. Dans cette optique, l'effort des Bernois semble donc cohérent, selon elle.
Réformer le monde des images
En revanche, pareille loi ne semble pas prête de voir le jour dans la Cité de Calvin. «La seule base légale qui existe actuellement au sein de l'administration genevoise concerne l'obligation de féminiser les noms de fonction», explique Muriel Golay. «Les compétences clés dans les offres d'emploi du canton sont également rédigées de manière neutre, afin qu'elle parlent autant aux hommes qu'aux femmes.» Toutefois, il n'existe aucun spécialiste du langage épicène dans l'administration, même si un guide a été rédigé au début des années 2000.
La spécialiste juge d'ailleurs que l'allemand se prête peut-être mieux à cette évolution du langage que le français. En outre, Muriel Golay estime que dans la société du visuel qui est la nôtre, un accent spécifique devrait être mis sur les stéréotypes que véhiculent certaines images. «Lorsque l'on parle de cadres d'entreprises, la photo qui est la plus souvent choisie est souvent une image d'hommes en costume cravate», déplore-t-elle.
Et si Muriel Golay affirme que des efforts doivent être fournis afin de limiter l'usage de termes masculins neutres qui ont tendance à faire disparaître la place des femmes, elle reconnaît que face à des problématiques comme les violences conjugales, dont s'occupe son service, la thématique du langage épicène n'est pas une priorité.