TurquieUne vaste purge après le putsch manqué
Plus de 7500 militaires, magistrats et policiers ont été arrêtés. Et près de 3000 mandats d'arrêt ont été délivrés à l'encontre de juges et de procureurs.
La chasse aux putschistes, désormais officiellement qualifiés de «terroristes», se poursuivait lundi en Turquie après le coup d'Etat raté de vendredi soir. Elle provoque l'inquiétude croissante de la communauté internationale envers un allié aussi encombrant que stratégique.
Jusque-là, 103 généraux et amiraux ont été placés en garde à vue, trois jours après la tentative de putsch. Parmi les grosses prises: le général Mehmet Disli, qui a mené la prise d'otage du chef d'état-major Hulusi Akar, et l'ancien chef de l'armée de l'air, le général Akin Oztürk, a précisé l'agence progouvernementale Anadolu.
Face aux procureurs, le général Akin a nié être l'un des meneurs du putsch. «Je ne fais pas partie de ceux qui ont planifié et mené le coup d'état militaire. J'ignore qui l'a planifié et dirigé.» Des médias turcs, dont Anadolu, avaient indiqué plus tôt que le général avait avoué avoir fait partie des conjurés. Ils ont ensuite remplacé cette «information» par le démenti du haut gradé.
Plus de 7500 militaires, magistrats et policiers ont également été arrêtés et placés en garde à vue. Et près de 3000 mandats d'arrêt ont été délivrés à l'encontre de juges et de procureurs.
Les congés annuels de tous les fonctionnaires turcs ont par ailleurs été annulés jusqu'à nouvel ordre. Cette mesure concerne au total plus de trois millions de personnes. Elle survient quelques heures après l'annonce du limogeage de près de 9000 fonctionnaires du ministère de l'Intérieur.
Peine de mort
Multipliant les bains de foule auprès de ses partisans réclamant la tête des mutins, M. Erdogan a même évoqué dimanche soir à Istanbul un possible rétablissement de la peine capitale en Turquie. Un défi à l'Union européenne, qui avait obtenu en 2004 que le pays l'abolisse pour obtenir un éventuel ticket d'entrée.
Les putschistes devront «rendre des comptes pour chaque goutte de sang versée», mais «dans le cadre du droit», a affirmé, quant à lui, le premier ministre Binali Yildirim, à l'issue d'un conseil des ministres à Ankara. Il a toutefois ajouté que «la demande du peuple ne peut pas être ignorée».
«Aucun pays ne peut adhérer à l'UE s'il introduit la peine de mort», a réagi la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini. Un point de vue que Mme Merkel partage.
Mme Mogherini a aussi mis en garde le pays contre la tentation d'une répression généralisée. Et l'ONU a tenu à affirmer que le respect des droits fondamentaux, comme la liberté d'expression et la tenue de procès en bonne et due forme, est crucial «pour préserver la démocratie de la Turquie.»
«Il faudra une décision parlementaire pour prendre une décision», a dit peu après M. Erdogan dans un entretien à CNN, en référence au retour potentiel de la peine de mort. «En tant que président, j'approuve toute décision qui aura été prise par le Parlement.»
Pression sur Washington
Le président américain Barack Obama avait auparavant rappelé «le besoin vital» du respect en Turquie «de l'Etat de droit». Les relations pourraient se tendre entre Ankara et Washington, autour du sort qui sera réservé à Fethullah Gülen. Passé depuis 2013 du statut d'allié à celui d'ennemi numéro un d'Erdogan, il est accusé d'être l'instigateur du putsch par le régime turc.
M. Erdogan a personnellement sommé son homologue américain de le lui «livrer». Réfugié aux Etats-Unis, ce prédicateur musulman a pour sa part catégoriquement démenti toute implication. Et Washington a mis la Turquie au défi de lui présenter des «preuves» à l'encontre de M. Gülen.
La police turque a aussi mené lundi une perquisition sur la base aérienne d'Incirlik, a rapporté Anadolu. Celle-ci est utilisée par la coalition anti-djihadiste menée par les États-Unis. Après trois jours de suspension, les vols commerciaux ont toutefois repris entre la Turquie et les Etats-Unis.
Fidèles dans la rue
L'activité semblait reprendre normalement lundi matin dans les rues stambouliotes. Quelque 1800 membres des forces spéciales de la police ont toutefois commencé à y être déployés dans la nuit pour en sécuriser les points sensibles, selon Anadolu.
M. Erdogan a également demandé à ses partisans de continuer à tenir la rue. Plusieurs milliers de personnes ont à nouveau obtempéré dans la nuit de dimanche à lundi sur la place Taksim, ainsi que sur la place Kizilay, à Ankara. La tentative de coup d'Etat a officiellement fait au moins 308 morts, dont plus de 100 putschistes. (nxp/ats)