ChineLe nombre d'avortements en augmentation
A Xi'an, au centre de la Chine, la rue de la Paix éternelle cache un lourd secret: des foetus y sont enterrés par des femmes de la clinique d'avortement installée non loin de là.

Selon les chiffres du gouvernement, 9,2 millions d'avortements ont été pratiqués en 2008.
Le personnel de l'établissement n'enterre pas tous les fœtus, seulement ceux qui ont atteint trois ou quatre mois. Les patientes ne le savent pas.
C'est un secret caché en pleine lumière, comme l'augmentation du nombre d'avortements parmi les jeunes Chinoises. Une rupture avec le passé quand l'avortement était pratiqué pour satisfaire la politique de l'enfant unique. Aujourd'hui, les étudiantes représentent clairement la base de la clientèle de la clinique.
Selon les chiffres du gouvernement, 9,2 millions d'avortements ont été pratiqués en 2008, contre 7,6 millions en 2007. Mais ces chiffres ne concernent que les hôpitaux, et pourraient au total atteindre 13 millions, selon les médias officiels. S'ils s'avéraient exacts, la Chine serait parmi les pays du monde qui pratiquent le plus l'avortement.
Honte morale d'avoir un enfant avant le mariage
Beaucoup rendent responsable le néolibéralisme, la sexualité avant le mariage, et le manque d'éducation sexuelle. La paperasserie bureaucratique et les répercussions sociales de l'avortement dissuadent aussi les femmes célibataires d'avoir un enfant toute seule, et les lois qui interdisent le mariage avant 20 ans font des grossesse précoces un sujet dont personne n'entend pratiquement parler.
«La honte morale d'avoir un enfant avant le mariage dans notre société est plus fort que la honte d'avorter», souligne Zhou Anqin, qui dirige la clinique de Xi'an, où environ 60 avortements sont pratiqués tous les mois, chez des femmes âgées pour la plupart de 24 ans ou moins.
En Chine, le réseau du planning familial est immense et très efficace, une armée virtuelle qui promeut la contraception et consigne méticuleusement les naissances, les avortements et les stérilisations, mais principalement pour les couples mariés. Les jeunes y échappent.
Les deux tiers des 15-24 ans ont des relations sexuelles avant le mariage
Une vaste étude portant sur 22.228 Chinoise âgées de 15 à 24 ans financée par le Population Research Institute de l'Université de Pékin, souligne que les deux tiers ont des relations sexuelles avant le mariage, mais avec une connaissance de la sexualité très limitée.
Pour preuve, parmi les 22% de femmes ayant une sexualité prémaritale, plus de la moitié n'ont pas utilisé de préservatif pendant leur premier rapport.
Les Chinoises peuvent parler très brutalement de leur avortement, considérant que le foetus n'est pas une personne avant la naissance. D'où des avortements jusqu'à sept ou huit mois. Une attitude que beaucoup associent à la forte mortalité infantile observée jadis. Les fausses couches fréquentes et les décès de nouveaux-nés frappaient les familles au point que, traditionnellement, on ne donnait de prénom à l'enfant que quand il avait atteint 100 jours, souligne Li Yinhe, sociologue à Pékin.
Les militants anti-avortement sont généralement des bouddhistes ou des chrétiens. Mais leurs activités sont discrètes, du fait de la mainmise gouvernementale sur les ONG de terrain et les groupes religieux.
Avortement légalisé en 1950
L'avortement a été légalisé en Chine en 1950, mais il n'était pas fréquent jusqu'à la mise en place de la politique de l'enfant unique. La procédure reste fréquente, mais la clientèle a changé. «La société a changé, elle est plus ouverte, et la puberté commence plus tôt, mais en classe et à la maison, on ne parle pas de sexualité», souligne Liu, anesthésiste à la clinique de Xi'an.
Les cliniques et les hôpitaux tentent d'éduquer les jeunes. La directrice de la clinique tente de leur expliquer comment utiliser correctement des préservatifs et la pilule quand elle donne ses conférences dans les lycées et les universités.
Elle se heurte toutefois souvent à l'administration, qui la force à se limiter au cycle menstruel. «Ils ne veulent pas que j'évoque la contraception», déplore-t-elle. (ap)