AllemagneDroit à l'euthanasie passive renforcé
La justice allemande a renforcé vendredi le droit à l'euthanasie passive avec un jugement qui devrait faire date.
Dans un jugement très attendu et appelé à faire jurisprudence, la Cour fédérale de justice a estimé que l'interruption des soins maintenant en vie un malade contre son gré n'était pas punissable.
Dans ce pays, le débat est plombé par le souvenir des programmes d'eugénisme du IIIe Reich.
Le souhait exprimé de ne pas être maintenu en vie artificiellement doit avoir un «effet contraignant», a décidé la plus haute instance juridique allemande, qui siège à Karlsruhe (sud- ouest).
Elle a acquitté un avocat qui avait conseillé à une femme de couper la sonde alimentaire maintenant sa mère en vie depuis cinq ans, tombée dans le coma après une hémorragie cérébrale. Or la septuagénaire avait expressément demandé à ne pas être maintenue en vie artificiellement.
La volonté humaine prime
L'avocat avait été condamné à neuf mois de prison avec sursis mais la fille de la victime avait été acquittée, le tribunal estimant à l'époque qu'elle avait été «induite en erreur» par son avocat.
La ministre de la Justice, Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, a salué ce jugement et estimé qu'il «ne pouvait y avoir d'obligation de traitement contre le volonté humaine».
«La décision d'aujourd'hui donne un cadre juridique sûr» qui permet de différencier «l'euthanasie passive et l'euthanasie active interdite», a-t-elle commenté.
De son côté, l'Eglise protestante a souligné que «laisser mourir quelqu'un qui en a émis auparavant la volonté était non seulement justifié mais encore souhaité».
«Devoir moral»
En octobre 2002 Erika Küllmer, 71 ans, était tombé dans le coma à la suite d'une hémorragie cérébrale. Placée dans un hospice, elle ne survivait que grâce à une sonde gastrique qui lui permettait de recevoir des produits de nutrition et de l'eau. «Son état de santé ne laissait présager aucune amélioration», a souligné la Cour de justice dans son communiqué.
Toutes ses dents lui avaient été retirées afin de ne pas avoir à les brosser inutilement. Une trachéotomie avait été pratiquée pour qu'elle ne s'étouffe pas avec ses glaires. Elle avait même dû être amputée d'un bras. Or, avant son accident, Mme Küllmer avait oralement émis le souhait de mourir dignement.
Mais la direction de l'hospice avait refusé de suivre le médecin, qui voulait interrompre l'alimentation artificielle. Elle invoquait un devoir moral pour ne pas laisser cette patiente mourir de faim et de soif.
Finalement, en décembre 2007, sa fille et son fils avaient décidé de couper la sonde alimentaire. La victime était morte quelques jours plus tard «de mort naturelle», selon l'autopsie, après toutefois avoir été transportée à l'hôpital sur décision de l'hospice qui craignait des poursuites. Une nouvelle sonde gastrique lui avait été placée.
En Allemagne, l'euthanasie active demeure interdite et sa pratique suscite d'intenses débats notamment en raison de l'expérience du nazisme et de ses pratiques eugéniques, qui se sont soldées par la mort de quelque 100.000 personnes, notamment des malades mentaux. (ats)