Attentats à ParisJawad est passé «d'une vie normale à une vie d'enfer»
Le «logeur de terroristes» a rédigé une lettre manuscrite à destination des juges dans laquelle il clame son innocence et regrette d'avoir été pris dans le tourbillon médiatique.
Le mois dernier, quelques jours avant Noël, Jawad Bendaoud a envoyé une lettre de 18 pages à l'un des juges en charge du dossier des attentats du 13 novembre. L'homme, devenu malgré lui une star sur les réseaux sociaux après son interview surréaliste sur BFM TV le jour de l'assaut contre l'appartement de Saint-Denis, se trouve actuellement à l'isolement à la maison d'arrêt de Villepinte, rappelle le «Nouvel Obs».
Deux tentatives de suicides
Dans la missive, Jawad rappelle qu'il n'a pas cherché à se trouver sous le feu des projecteurs. «Je n'ai pas demandé à être filmé par ce foutu cameraman, il m'a entendu dire aux policiers que j'étais le loueur de l'appartement, il a allumé sa caméra si j'avais su ce qu'aurait causé cette interview, je n'aurais jamais parlé», s'explique-t-il dans des propos relayés par le site de l'hebdomadaire français. «Je suis passé d'une vie normale à une vie d'enfer en une fraction de seconde. Mon nom de famille a été sali, je fais l'objet de parodie, de blague», s'émeut-il également. On se rappelle en effet, le fameux passage de son interview télé du 18 novembre, moult fois détournés depuis. «On m'a demandé de rendre service, j'ai rendu service».
Pas «d'ambiance terroriste»
Seulement, depuis le 24 novembre et sa mise en examen pour participation à une association de malfaiteurs terroristes criminelle, Jawad n'a plus envie de rire. En témoigne, ces deux tentatives de suicide survenues lors de ses six jours de garde à vue. Une fois avec des couverts en plastique et l'autre fois en arrachant le joint du passe-plat de sa cellule. L'«Obs» rappelle aussi qu'il avait cassé le clavier d'ordinateur d'un enquêteur durant ses six jours d'interrogatoire. Dans sa lettre, le «logeur de terroristes» adopte un ton calme et explique n'avoir à «aucun moment» senti une «ambiance terroriste ou dangereuse dans la location de l'appartement». S'il se dit «conscient d'avoir hébergé les pires assassins que la France n'ait jamais connu», il affirme ne s'être jamais «associé» à eux et n'«avoir jamais vu d'armes».
«Si j'avais su, j'aurais pu tilter»
De même, il prend ses distances vis-à-vis d'Abdelhamid Abaaoud, le cerveau présumé des attentats, et Chakib Akrouh, morts dans l'assaut du RAID et qui ont participé au commando des terrasses le 13 novembre. «Le monsieur Abaaoud, le chef de Daech ou je ne sais pas quoi, je ne l'ai vu que 5 minutes, le temps qu'il soit rentré dans l'appartement et que je lui fasse visiter». L'explication à cette légèreté alors que la France était plongée depuis 5 jours dans le traumatisme des attaques? Il ne regarde pas la télé. «Je ne savais pas que des Belges avaient participé à des attentats. Si j'avais su, oui, j'aurais pu tilter.» «Défoncé» après avoir fumé du crack le 17 novembre au soir, veille de l'assaut des forces spéciales, il raconte avoir rencontré un Abaaoud qui ne laissait pas penser qu'il était un terroriste: Il «était habillé comme un jeune normal, il était rasé, il n'avait pas de barbe, il portait un bob et son complice une casquette bleue de basket ball américain».
Pas le «bouquet missaire»
Enfin, Jawad Bendaoud, défend tout signe de radicalisation, mettant en avant son mode de vie pour le moins débridé. «Je n'ai jamais prié, la dernière fois que j'ai prié, j'avais 16 ans et mon père en était la seule raison. Je n'ai jamais fréquenté une seule mosquée, je fais tout ce qu'un bon musulman ne ferait pas. Je n'ai rien à voir avec Daech, ni de loin ni de près». Et Jawad de conclure par une «jawaderie», estimant qu'il ne veut pas devenir le «bouquet missaire» (ndlr: bouc émissaire) de ce dossier.