La «punchline» d'Elise Lucet laisse le patron KO

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FranceLa «punchline» d'Elise Lucet laisse le patron KO

L'émission «Cash Investigation» abordait mardi soir le thème du monde de l'entreprise. Et comme d'habitude, les interviewés ont passé un sale moment.

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Souffrance au travail et licenciements: le magazine «Cash Investigation», présenté par Elise Lucet, a fait un retour fracassant mardi sur France 2 avec une enquête sur le «monde merveilleux du travail» qui révélait l'envers du décor au sein de deux entreprises emblématiques, Lidl France et Free.

Ce premier numéro de la sixième saison de «Cash Investigation», intitulé «Travail, ton univers impitoyable», pointe en pleine réforme du Code du travail des méthodes de management aux conséquences parfois très lourdes, sans se départir de son style décapant. Il a été suivi par plus de 3,8 millions de téléspectateur ce qui constitue un record.

L'enquête de deux heures produite par Premières Lignes, commencée il y a plus d'un an, débute par une plongée chez Lidl France et ses 30'000 salariés, et révèle les techniques redoutables mises en oeuvre pour maximiser leur productivité. Comme la polyvalence imposée aux caissières, qui permet d'éradiquer les temps morts; ou la commande vocale qui règne en maître dans les entrepôts, une machine dictant aux préparateurs de commandes les tâches à effectuer. Le discounter a annoncé pendant la diffusion que l'entreprise apporterait mercredi «des éléments de réponse aux différents points soulevés».

«Vous savez que vous avez changé la clim, mais pas que vous avez licencié 100 personnes?»

Des témoignages révèlent les revers de ces procédés, comme le poids ahurissant (jusqu'à 8 tonnes) des marchandises manipulées quotidiennement par les préparateurs, et des employés dont les corps peinent à suivre la cadence et qui ont l'impression de devenir des robots. L'émission s'interroge aussi sur la disproportion entre les nombreux salariés de l'enseigne licenciés pour inaptitude (2196 en cinq ans), et l'infime minorité de ceux qui obtiennent un reclassement (22).

Second cas d'école de cette enquête réalisée par Sophie Le Gall: Free. «Cash Investigation» s'est intéressé au centre d'appel Mobipel (filiale de l'opérateur) à Colombes, près de Paris.

Les licenciements s'y sont multipliés depuis un débrayage de quelques heures organisé en 2014: l'émission en a dénombré 248, sur un site qui comptait environ 650 emplois. Dans une interview particulièrement tendue, le numéro deux du groupe, Maxime Lombardini, dément «les yeux dans les yeux» à Elise Lucet tout lien de cause à effet.

Ce même responsable a été mis à mal un peu plus tard par la journaliste de France 2 qui lui demandait de s'expliquer sur le cas d'un centre d'appel situé au Maroc dans lequel la directrice des relations clients, Angélique Gérard, a indiqué vouloir «liquider 50 détracteurs» après une grève du personnel.

A la question de savoir comment l'entreprise a réagi après ce mouvement de grève, Maxime Lombardi répond en disant que les conditions de travail des salariés ont été améliorées, citant par exemple l'installation d'une climatisation. Mais il dit ne pas se rappeler du sort réservé aux grévistes, 100 d'entre-eux auraient été licencié selon «Cash Investigation» qui cite des chiffres des syndicats. «Vous savez que vous avez changé la clim, mais pas que vous avez licencié 100 personnes? C'est bête!», lance alors Elise Lucet. «C'est bête!», répond le numéro 2 de l'opérateur de téléphonie (voir vidéo ci-dessus). Pour rappel, le patron de Free Xavier Niel a racheté intégralement Orange Suisse en février 2015. L'entreprise a depuis été renommée Salt.

«Déshumanisation des salariés»

L'émission s'est également penchée sur le recours au licenciement pour faute grave (et donc sans versement d'indemnités ni préavis) à l'intérieur du groupe, pour des motifs «régulièrement jugés abusifs par les tribunaux de prud'hommes».

Elle rapporte ainsi le cas «pour le moins étonnant» d'une responsable RH elle-même licenciée pour faute grave... parce qu'elle avait procédé à des licenciements classiques (pour «cause réelle et sérieuse»), et qui ont donc donné lieu à des paiements d'indemnités.

Selon Elise Lucet, qui «ne s'attendait pas à découvrir autant de choses qui ne sont jamais évoquées par les entreprises en question», cette enquête montre qu'«il y a une déshumanisation des salariés qui existe vraiment sur le terrain dans l'organisation du travail, mais qui existe aussi dans la manière dont on nous répond».

La journaliste, face aux critiques qui lui sont régulièrement adressées, assure que «Cash Investigation» n'a rien contre les entreprises et n'a rien contre le fait qu'elles cherchent des gains de productivité». «La question c'est: à quel prix, jusqu'où ?»

«On n'est pas dans la volonté de diffamer, on veut informer», assure-t-elle. «Notre job, c'est journalistes et uniquement journalistes, on n'est ni militants, ni dirigeants politiques ni syndicats», martèle la présentatrice qui revendique pour seul mot d'ordre «l'établissement de la vérité» afin que «les consommateurs sachent ce qu'il y a derrière les pubs».

La journaliste d'investigation, poursuivie en ce moment par l'Azerbaïdjan pour diffamation, insiste aussi sur le travail «millimétré» réalisé dès la création de l'émission en 2012 pour étayer les situations relevées, et se prémunir ainsi contre les contre-attaques judiciaires des organismes ou personnes mises en cause. «L'une des règles de survie de «Cash», explique-t-elle, c'était d'être impeccable au niveau juridique» alors qu'il y a en face de nous des entreprises qui ont des armadas d'avocats.»

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