Sur l'île la misère, en mer le farnienteLes croisières de luxe s'arrêtent toujours à Haïti
Alors qu'Haïti est ravagée et que les habitants luttent pour leur survie, les croisières de luxe font toujours escale sur les plages de l'île. Malaise.

Publicité pour les croisières avec escale à Haïti sur le site internet de Royal Caribbean. (capture d'écran: royalcaribbean.com)
Haïti n'est pas sinistrée pour tout le monde. Au nord de l'île, à moins de 100 km de l'épicentre du tremblement de terre, la plage idyllique de Labadee. Ici, pas de traces du séisme. La plage est fermée aux locaux et d'imposants paquebots de croisière continuent d'y déverser leur cargaison de touristes. C'était encore le cas vendredi dernier, lorsque le paquebot «Independence of the Seas» y accosta avec ses quelque 4'000 touristes à bord. Et ces prochains jours, comme le précise le Tages Anzeiger Online, se basant sur différents médias allemands et britanniques, ce sera au tour du «Navigator of the Seas», 3'000 passagers. Le voyagiste Royal Caribbean International RCI, propriétaire des deux paquebots, a confirmé la croisière.
La compagnie RCI dispose d'un bail avec l'Etat haïtien grâce auquel elle dispose de cinq plages dans la région, dont Labadee Beach (lire encadré). Sur son site internet, elle ne se prive pas de vanter la beauté de ses plages, réservées exclusivement à ses clients. Pour toute réservation avant le 31 janvier, la compagnie propose même des tarifs spéciaux. A partir de 829 francs la croisière de 6 nuits à bord de l'«Independance of the Seas».
Malaise chez certains touristes
Profiter de ces plages de rêve alors que l'île a été ravagée par le séisme pose tout de même des problèmes de conscience à certains touristes. «Je ne peux tout simplement pas me coucher sur cette plage, au soleil, ou jouer tranquillement dans l'eau alors que des dizaines de milliers de morts jonchent les rues de l'île, et que les survivants sont sans eau ni nourriture», explique un client sur le forum internet de la compagnie. Il ne participera pas à l'«excursion» sur la plage. D'autres ont décidé d'y renoncer par peur de se faire piller. Enfin, il y a ceux que rien ne refroidit: «J'ai bien l'intention de profiter de la plage», écrit une cliente.
Le voyagiste affirme avoir longtemps hésité avant de décider de garder Haïti comme destination. Il l'a finalement fait pour aider l'île, qui peut ainsi continuer de profiter des revenus des croisières. «Le représentant de l'ONU sur place nous a encouragé à continuer nos activités, de manière à ce que Haïti puisse en profiter. Il estimait également important que nous ne laissions pas tomber l'île», précise un membre du conseil d'administration de Royal Caribbean au journal anglais Guardian. La compagnie précise en outre que ses bateaux emportent avec eux du riz, du lait en poudre et de l'eau. En outre, elle versera à titre de dons les revenus de ses activités dans la région à des organisations d'entraide.
L'exploitation touristique de Labadee Beach est controversée. Les opposants soulignent que les plages de la région étaient propriétés de familles que l'Etat haïtien a exproprié. Une convention a été signée en 1985 entre le gouvernement et une compagnie privée, permettant l'exploitation des plages à des fins touristiques, au bénéfice aujourd'hui de l'Etat et de Royal Caribbean. (tde)