SuissePour Amnesty, les droits humains sont en danger
L'ONG internationale a rendu son rapport 2015/2016. L'organisation épingle aussi la Suisse et l'UDC.

Manon Schick, la directrice de la section suisse d'Amnesty International, en 2012.
photo: Keystone/ArchivesLes institutions qui protègent les droits humains sont en danger, s'alarme Amnesty International (AI) dans son rapport annuel publié mercredi. «La Suisse n'échappe pas à la tendance» avec l'initiative de l'UDC prônant la primauté du droit suisse.
Dans le chapitre consacré à la Suisse, AI pointe du doigt un «climat hostile aux droits humains» et «aux institutions internationales». Pour Manon Schick, directrice de la section suisse d'AI, des initiatives telle que celle intitulée 'le droit suisse au lieu de juges étrangers' ou celle dite de "mise en oeuvre" (de l'initiative sur le renvoi des criminels étrangers), soumise à votation dimanche, cherchent «à miner les institutions et les mécanismes internationaux de protection des droits humains». Pire, selon l'organisation, «elles remettent en question des acquis (...) érigés pendant plus de septante ans».
«Avec ce type de rhétorique, l'UDC cherche à présenter les droits humains comme quelque chose qui n'est pas d'utilité pour chacun, mais qui peut être utilisé "contre nous"», a précisé la porte-parole d'AI suisse, Nadia Boehlen. Elle prend l'exemple du terme «juges étrangers» pour qualifier la Cour européenne des droits de l'Homme à Strasbourg, une juridiction vilipendée par l'UDC.
Plus généralement, «ce sont non seulement nos droits qui sont menacés, mais aussi les lois et le système qui les protègent», a mis en garde Salil Shetty, secrétaire général d'Amnesty International, lors du lancement du rapport 2015/16 à Londres.
Gare à Big Brother
Autre source d'inquiétude pour Amnesty: la nouvelle loi suisse sur le renseignement, qui «rogne le droit à la sphère privée». Elle donne de «vastes pouvoirs au service de renseignement de la Confédération, l'autorisant à intercepter les données arrivant en Suisse ou sortant du pays par Internet, à accéder aux métadonnées, aux historiques de navigation et au contenu des messages électroniques, et à utiliser des logiciels espions mis au point par le gouvernement».
AI fustige également en Suisse «l'utilisation à mauvais escient d'entraves» policières lors d'opérations de renvoi de migrants en situation irrégulière ainsi que «l'absence d'uniformité dans les pratiques des polices des différents cantons».
Pour étayer son propos, Amnesty se base sur le rapport de la Commission nationale de prévention de la torture qui s'inquiète d'entraves comme «des immobilisations complètes de personnes vulnérables» ou «de personnes qui n«opposaient aucune résistance à leur renvoi».
L'ONG déplore encore «une protection parfois lacunaire pour les victimes de trafic d«êtres humains et pour les victimes étrangères de violence domestique» ainsi que le fait que «le crime de torture ne soit toujours pas introduit dans le code pénal» suisse.
Droit international bafoué
«De nombreux gouvernements ont violé effrontément le droit international dans leur pays en 2015», résume le rapport. Plus de 98 Etats ont pratiqué la torture ou d'autres mauvais traitements et 30 au moins ont forcé illégalement des réfugiés à retourner dans un pays où ils étaient en danger. Dans 18 pays au moins, des crimes de guerre et d'autres violations des 'lois de la guerre' ont été commis par le gouvernement ou par des groupes armés, a dénombré AI.
L'ONG s'inquiète de la tendance croissante d'un certain nombre de gouvernements à cibler et à attaquer des militants, des avocats et d'autres personnes engagées pour la défense des droits humains.
L'ONU peut mieux faire
Amnesty exige enfin une réforme de l'ONU, car «le conflit syrien est un terrible exemple des conséquences humaines catastrophiques de l'incapacité du système des Nations unies à s'acquitter de son rôle déterminant pour le respect des droits fondamentaux».
Le prochain secrétaire général de l'ONU, qui sera élu à la fin de l'année et prendra ses fonctions en janvier 2017, «a désespérément besoin d'un nouvel élan». Et Amnesty International de demander aux Etats-membres de l'ONU de faire preuve de courage en matière d'orientation future. (nxp/ats)