Romont (FR)Prison à vie requise pour la vendetta entre Kosovars
Le procureur demande la prison à vie pour les deux hommes accusés d'avoir assassiné un père de famille à Frasses (FR).
Selon lui, ils ont agi par vengeance dans le cadre d'une guerre de clans kosovars. Les avocats des prévenus plaident l'acquittement.
En quinze ans, ce conflit entre deux familles a fait de nombreuses victimes au Kosovo, et tous les crimes de vengeance sont restés impunis. «La justice suisse doit donner une réponse claire à cette pratique archaïque, qui n'a aucune place dans notre société», a dit le procureur général fribourgeois Fabien Gasser, jeudi lors de la deuxième audience du procès à Romont (FR).
Quant aux défenseurs, ils ont dénoncé un dossier d'accusation alambiqué et lacunaire. L'avocat André Clerc a déploré la «vanité» de vouloir à tout prix punir pour la première fois dans cette guerre de clans, et «faire un exemple» sans établir les faits avec précision.
La victime, 36 ans, restait autant que possible à l'écart de ce conflit. Cet homme a pourtant été tué devant sa fiancée, leurs enfants d'à peine six mois et deux ans, et ses enfants de six et huit ans d'un premier mariage. Le 11 mai 2013 vers minuit, il rentrait avec sa famille. Quand il est sorti de la voiture, deux hommes l'ont abattu d'une quinzaine de balles.
Faisceau d'indices
Les prévenus ont 33 et 32 ans. Le premier, originaire du Kosovo, est proche du clan adverse de celui de la victime. Dans le cadre du conflit, il a perdu son frère en 2003, et il a été affecté par la mort d'un membre du clan en mars 2013, selon le procureur. L'autre, originaire de Macédoine, est un ami du premier.
En l'absence d'aveux, le procureur se base sur un faisceau d'indices. Un silencieux trouvé dans la région du crime comportait l'ADN des deux hommes. L'ADN de l'un d'eux se trouvait aussi sur un chargeur trouvé dans cette zone.
Les téléphones portables des deux hommes étaient inactifs, donc non localisables, le soir du crime. «Ils les ont délibérément éteints», ainsi que le soir précédent, probablement passé à faire du repérage, a dit le procureur.
La fiancée de la victime n'a pas pu identifier formellement les tueurs. Mais quand les enquêteurs lui ont montré des photos de plusieurs hommes, elle a trouvé qu'un des prévenus avait un regard ressemblant à celui d'un des criminels.
Pas des preuves
L'acte d'accusation est «un questionnaire à choix multiples», a ironisé André Clerc, avocat du premier prévenu. Il comporte plusieurs hypothèses (les prévenus comme auteurs, chauffeurs ou fournisseurs d'armes), et le procureur n'a opté que tardivement pour la version la plus grave.
La présence d'ADN sur un objet prouve seulement qu'on a été en contact avec cet objet à un moment donné. Elle ne prouve pas qu'on l'a touché le jour du crime, ni qu'on a tiré, dit le défenseur.
Il a rappelé qu'une femme a vu deux hommes marcher en soirée en direction de Frasses, avec une nette différence de taille entre les deux, et l'un aux cheveux mi-longs. Sa description est similaire à celle de la fiancée. Elle correspond peu aux deux prévenus: cheveux courts et seulement 4 centimètres de différence de taille.
Alibi négligé
Simon Perroud, avocat du deuxième prévenu, a rappelé le témoignage de la soeur de la compagne de ce dernier. Elle dit être allée chez eux vers minuit pour garder leur enfant, et avoir été accueillie par le prévenu, qui ne pouvait donc pas être sur le lieu du crime. L'accusation, elle, trouve peu crédible ce témoignage tardif (2014).
Simon Perroud a aussi jugé absurde l'hypothèse que des tueurs utilisent un silencieux sur une des armes et pas sur l'autre. En effet, le pistolet - seule arme retrouvée - ne peut pas être utilisé avec un silencieux.
Pour Stefan Disch, avocat de la fiancée et de ses enfants, tout n'a pas pu être éclairci, mais c'est «comme dans un puzzle»: malgré les trous dus aux pièces manquantes, si on recule on voit l'image d'ensemble et celle-ci est «accablante».