Suisse«L'anorexie était ma seule amie»
Un Suisse qui a souffert d'anorexie dans sa jeunesse a accepté de montrer des images de son corps. Huit mille hommes souffraient d'anorexie en 2012. Témoignages.
A 23 ans, Ueli Bodmer* a touché le fond. Il ne pesait alors plus que 32 kilos. «Moi-même, je ne pensais pas être malade. C'est mon entourage et mes médecins qui m'ont ouvert les yeux. Quand on est anorexique, on se sent un peu comme un drogué. Cette maladie est une dépendance», raconte le quadragénaire qui a fini par se faire guérir dans une clinique spécialisée. Ueli Bodmer passait plusieurs heures par jour à sillonner les rayons des supermarchés: «Les calories et les graisses, c'est tout ce qui compte.» Son but était de manger le moins de choses possible. «Toutes mes pensées tournaient autour de la nourriture.»
L'histoire de Martin Gubler*, 21 ans, est quasi identique. «A 17 ans, j'ai vécu une grosse déception amoureuse. En plus, je ne pouvais plus faire de sport parce que je m'étais blessé. C'est à ce moment-là que ça a commencé.» Le jeune homme compare la maladie à une spirale infernale: «On passe des heures dans les magasins et on compte les calories. L'anorexie devient alors ta seule amie. Le miroir te ment, il ne te montre plus la vérité.» Lorsqu'il ne pèse plus que 32 kilos, ses parents le font hospitaliser dans une clinique. «Heureusement. Seul, je ne m'en serais pas sorti», estime Martin Gubler, qui va beaucoup mieux aujourd'hui.
* Noms d'emprunt
8000 hommes anorexiques
Pas moins de 8000 hommes souffraient d'anorexie en Suisse en 2012, selon de récents chiffres publiés par l'Office fédéral de la santé publique. Sur toutes les personnes atteintes de cette maladie dans le monde, les hommes représenteraient même 10%, écrivait «Le Matin» le 7 mai dernier. L'anorexie masculine est encore relativement méconnue des professionnels, notait alors la responsable du Centre vaudois anorexie boulimie, Sandra Gebhart. Cet état de fait est d'autant plus étonnant que le nombre de personnes souffrant de ce trouble alimentaire est en constante augmentation. Deux Suisses ont décidé de briser le tabou et de faire part de leurs expériences avec la maladie.