SuisseL'armée, serpent de mer des votations fédérales
L'armée est un sujet récurrent dans les votations fédérales. Si ses adversaires n'ont encore guère gagné de scrutin, ils ont remporté des succès d'estime.
«La Suisse n'a pas d'armée, elle est une armée», affirmait en 1988 le Conseil fédéral dans son message sur l'initiative pour l'abolition de l'armée. Ce que le gouvernement présentait alors comme une «réalité» allait finir l'année suivante dans un séisme politique.
En novembre 1989, deux semaines après la chute du mur de Berlin, plus d'un tiers des votants (35,6%) disaient oui au texte du Groupe pour une Suisse sans Armée (GSsA). Le pays a alors été submergé par un débat sur le sens et les objectifs d'une défense nationale armée.
Pourtant, le changement de mentalité s'était dessiné avant déjà. En 1987, l'initiative pour protéger les marais d'un agrandissement de la place d'armes de Rothenturm (SZ) remportait près de 58% des voix. C'est jusqu'ici la seule de plus de vingt requêtes populaires a avoir remporté le succès aux urnes.
La deuxième initiative du GSsA pour l'abolition de l'armée s'est soldée par un échec en 2001: seuls 22% ont souhaité supprimer une armée entre-temps amincie et engagée dans la promotion de la paix (Armée 95). Les attentats du 11 septembre à New York ont sans doute joué un rôle dans cette décision. Parallèlement, l'initiative pour un service civil volontaire pour la paix du GSsA a été enterrée.
«Tactique du salami»
Même pour des objets moins radicaux, les antimilitaristes ont souvent réussi à tourner la votation en plébiscite pour ou contre l'existence de l'armée. A chaque fois, le reproche de vouloir la supprimer par tranches l'a remporté, que ce soit en 1993 pour l'initiative contre l'achat de nouveaux avions de combat, pour «40 places d'armes ça suffit!» ou encore en 2011 «pour la protection face à la violence des armes».
Lors de la guerre froide, ces requêtes à l'encontre des intérêts de l'armée avaient encore moins de chances de passer. En 1962 et 1963, lorsque les militaires helvétiques convoitaient la bombe atomique, les initiatives de gauche pour interdire de telles armes et pour un droit d'intervention du peuple étaient nettement balayées.
Longtemps, le souverain ne s'est pas non plus montré tendre envers les jusqu'à 800 objecteurs par an condamnés à des peines de prison. Il ne s'est prononcé pour une décriminalisation qu'en 1991. Une année plus tard, après deux essais (1977 et 1984), un service civil de remplacement a pu être ancré dans la constitution.
Les tentatives pour accorder davantage de droit de parole au peuple pour les dépenses militaires ou pour soustraire des moyens accordés à l'armée pour la promotion de la paix sont restées infructueuses jusqu'ici. En 1987, une initiative du PS demandant le droit de référendum en matière de dépenses militaires a échoué. En 2000, une initiative d'un comité proche du PS en faveur d'une redistribution des dépenses a également été rejetée.
Exportations d'armes
Depuis les années 1930 déjà, des organisations de gauche et pacifistes tentent de juguler l'exportation d'armes. Des requêtes en ce sens ont été certes refusées à quatre reprises (1938, 1972, 1997 et 2009), mais elles ont tout de même incité le Conseil fédéral et le Parlement à durcir plusieurs fois les normes pour l'exportation.
L'opposition de droite aux objets militaires est plus rare. Elle s'est avant tout dirigée contre l'ouverture de la politique de sécurité et la volonté de réduire les effectifs de l'armée.
Seul le référendum de la Lega contre les casques bleus, contingent rejeté en 1994, a été couronné de succès. En 2001, le référendum contre l'envoi de troupes suisses armées à l'étranger - lancé par une alliance contre nature formée par l'ASIN et le GSsA - a en revanche échoué.
En 2003 enfin, le peuple approuvait une nouvelle réforme avec le oui à un référendum de milieux politiques bourgeois pour une armée plus petite, plus moderne et plus professionnalisée (Armée XXI). (ats)