Congrès musulman à BienneUne conférence «contre-productive»
Le succès du congrès de Nicolas Blancho et consorts alarme la communauté albanophone suisse. De nombreux jeunes ont participé à l'événement.
Succès, triomphe, gros coup... «Le plus grand événement islamique jamais organisé en Suisse», comme l'avait vendu son organisateur, Nicolas Blancho, a tenu toutes ses promesses, samedi. Alors qu'un millier de visiteurs était attendu, c'est le double qui s'est rendu au Palais des Congrès de Bienne, transformé pour l'occasion en Mecque helvétique de l'islam rigoriste.
Le coup de Blancho: attirer les jeunes de Balkans
Parmi ces visiteurs, la forte présence de jeunes issus des Balkans a frappé la majorité des observateurs, sur place. Objectif principal de leur visite: assister à la conférence de Shefqet Krasniqi, imam de Pristina, au Kosovo. Devant une assemblée acquise à sa cause, le charismatique néo-salafiste a tenu un discours fortement identitaire, appelant les jeunes musulmans à être fiers de leur religion et de ses valeurs. Accueilli par un retentissant cris à la gloire d'Allah, le religieux a aussi été ovationné à sa sortie.
Inquiétant?
Est-ce à dire que le Conseil central islamique suisse de Nicolas Blancho, organisateur de l'événement, s'est fait une place auprès des jeunes musulmans originaires de Balkans? Samedi soir déjà, Mallory Purdie, Membre fondatrice du Groupe de recherche sur l'islam en Suisse avait exprimé des doutes, expliquant que l'ensemble des participants au congrès ne partageaient pas forcément les positions du groupe organisateur, très rigoristes.
Un discours qui comble un vide chez les jeunes musulmans des Balkans
Universitaire spécialiste de la diaspora des Balkans et directeur du site albinfo.ch, Bashkim Iseni enfonce le clou. Pour lui, si Nicolas Blancho a frappé fort avec son invité, c'est avant tout parce que ce dernier tient un discours qui comble un vide chez les jeunes originaires des Balkans. «Beaucoup ont une quête identitaire, sont très revendicateurs, explique le scientifique. Or, l'offre des mosquées traditionnelles est en complet décalage avec ces aspirations.» Ces dernières souffrent, d'après le chercheur, d'un discours trop «plan-plan» («à la Don Camillo») pour être à même de capter l'intérêt des jeunes, plus remuants.
Malgré ce que laisse penser le succès de l'événement, sa star Shefqet Krasniqi est fortement décriée chez les croyants albanophones suisses. Le site albinfo.ch publie d'ailleurs lundi, en français, les prises de positions de plusieurs imams de mosquées albanaises en Suisse. De manière plus ou moins directes, tous y font part d'une certaine défiance vis à vis de Conseil islamique de Nicolas Blancho et de l'Imam de Pristina. L'un des intervenant, l'imam Mustafa Mehmet, de Berne, juge que la participation de Shefqet Krasniqi contreproductive car elle ne facilitera pas l'exercice raisonnable de la foi musulmane en Suisse.
Pour Valentina Smajli, vice-présidente du forum pour un islam progressiste, les diasporas albanophones suisse n'ont «pas besoin» des sermons de Shefqet Krasniqi, car ceux-ci conduisent à des troubles au sein des diasporas. Elle prend en exemple son attaque anti-mère Teresa, accusée de rôtir en enfer par le religieux, alors que «tous les Albanais sont fiers» de la religieuse béatifiée par Jean-Paul 2.