Votations du 25 septembreUne loi équilibrée entre «sécurité et liberté»
La conseillère nationale socialiste vaudoise, Rebecca Ruiz, défend, contre son parti, la nouvelle loi sur le renseignement. Elle s'en explique.

La Vaudoise Rebecca Ruiz milite pour la nouvelle loi sur le renseignement.
photo: KeystoneUne vaste alliance interpartis est venue dire à Berne tout le bien qu'elle pensait de la nouvelle loi sur le renseignement, concoctée par le Conseil fédéral. Un texte qui donne les instruments nécessaires au Service de renseignement de la Confédération (SRC) pour garantir la sécurité des citoyens, tout en définissant des règles et limites claires. Parmi cette vaste coalition composée de membres du PLR, de l'UDC, du PDC et du PBD, une socialiste, la conseillère nationale vaudoise Rebecca Ruiz. Celle-ci s'est engagée en faveur de la LRens, alors même que le PS Suisse y est opposé. Interview.
20 minutes: Vous êtes favorable à cette loi, alors que le PS a donné un mot d'ordre contre. Pourquoi?
Rebecca Ruiz: De manière générale, les membres du PS sont divisés sur cette question. Au Parlement, lorsqu'on a voté sur cette question au National, un tiers du groupe était en faveur de la loi; au Conseil des Etats, c'était la moitié. Et dans le canton de Vaud, mon parti a décidé également de la soutenir. Mais les débats se font, et les gens chez nous ont la possibilité de s'exprimer individuellement pour faire campagne avec leurs arguments.
Est-ce que cette nouvelle loi ne va pas empiéter sur la vie privée des Suisses?
Non. Son but principal est de protéger l'entier de la population. Mais je peux très bien entendre les opposants, notamment dans mon parti, qui craignent une surveillance de masse de la population. Mais la loi est très claire: ne pourront être surveillées que des personnes soupçonnées très fortement de vouloir s'attaquer à la sécurité du pays dans des domaines particuliers, tels que le terrorisme, la prolifération d'armes ou des attaques contre des infrastructures étatiques. Donc Madame et Monsieur tout le monde n'ont rien à craindre de cette loi. En outre, pour certains socialistes comme moi, la loi prévoit des garde-fous suffisants pour éviter des dérapages que l'on a connus, tels que l'affaire des fiches, et qui ne sont plus souhaitables.
Certaines voix s'élèvent déjà pour dire que cette loi ne va pas assez loin, que la Suisse a une guerre de retard
Peut-être. Mais on pourra toujours imaginer aller plus loin, viser des systèmes sécuritaires de type américain ou israélien. Je ne crois pas que ce soit ce que les Suisses attendent, ce n'est pas dans notre culture. Je pense qu'on est là face à une loi proportionnée, qui propose un équilibre entre sécurité et liberté. Je ne pense pas qu'il faille aller plus loin. On s'est d'ailleurs beaucoup battu à gauche pour essayer d'obtenir un maximum de garde-fous pour que le SRC ne puisse pas faire tout et n'importe quoi et pour qu'il puisse être bien contrôlé. La loi qui est soumise au peuple est du coup amplement suffisante.
Vous avez insisté sur le fait qu'il ne fallait pas instiller la peur chez les gens. Or, un de vos camarades UDC, Raymond Clottu, n'a pas hésité à brandir la menace que la Suisse devienne une plaque tournante du terrorisme si on refuse cette loi...
Je crois que dans le contexte général sécuritaire, ce ne sont pas les propos de M. Clottu qui vont renforcer l'insécurité qui peut être ressentie par une bonne partie de la population. Mais, justement, cette loi est de nature à rassurer. Elle permettra au SRC de se doter de moyens adaptés aux nouvelles technologies, aux nouvelles menaces, car, à l'heure actuelle, ce service dépend exclusivement des autres pour se procurer des informations. Ce n'est plus possible de continuer ainsi.
Il y a beaucoup de conditions pour lancer une enquête du SRC, avec des autorisations vérifiées et revérifiées, des indices plus que sérieux, etc. Est-ce qu'on n'est pas en train de créer une loi inutile dans la pratique?
Cette loi s'inspire d'autres lois qui existent en Europe, comme en Allemagne, où il existe aussi des échelons de contrôle et de validation étendus. Cette loi a été pensée de manière à ce qu'elle soit applicable, sinon elle n'aurait évidemment aucun sens.
Mais ne faudrait-il pas plus de liberté pour le SRC justement pour lutter contre le terrorisme?
Les moyens donnés au SRC sont très étendus, en tout cas dans les possibilités de mesures de surveillance invasives qui sont prévues. On s'aligne sur ce point à bon nombre de pays. Par contre, nous restons prudents au moment de valider ces mesures, au moment de contrôler les décisions qui auront été prises pendant l'année grâce à la mise sur pied d'organes indépendants, internes à l'administration. Mais dans le feu de l'action, il est clair que les protocoles d'action du SRC seront efficaces.
Mais cette loi est-elle vraiment utile dans la mesure où, souvent, on l'a vu en France et en Belgique, les auteurs d'attentats sont bien connus des autorités, mais celles-ci n'arrivent pas à prévenir les attaques?
Cette loi n'est pas la panacée. Elle ne va pas empêcher tout attentat. Le risque zéro dans ce domaine-là n'existe d'ailleurs pas. C'est vrai qu'on entend souvent le fait que certains attentats commis en Europe n'ont pas pu être évités malgré des lois adaptées. Mais ce qu'on dit rarement, c'est qu'il y a aussi un certain nombre d'attentats qui ont été déjoués, car, en général, les services de renseignement communiquent assez peu sur cette question pour des raisons évidentes. Ces attentats ont pu être déjoués grâce aux moyens qu'ont mis sur pied les pays en question. Avec la future LRens en Suisse, on ne pourra pas exclure des attaques, mais on donne la possibilité au SRC de mener des investigations poussées - ce qui n'est pas possible aujourd'hui - sur des personnes qui sont parties faire le djihad à l'étranger, qui reviennent ou qui présentent un degré de radicalisation inquiétant.
Le contexte international vous donne un sacré coup de pouce pour le 25 septembre, non?
Cette loi a été mise sur pied et développée en 2009 déjà. A ce moment-là, il n'y avait pas eu tous ces attentats. Ce n'est donc pas une réponse aux différentes attaques de ces derniers mois. Il a été décidé de mettre à jour cette loi, car elle n'était plus adaptée et le SRC se rendait bien compte qu'il n'avait plus les moyens de pouvoir faire face aux menaces que l'on sentait émergentes ou déjà émergentes ailleurs. Mais c'est vrai que le contexte international va peut-être aider, on l'a vu avec un premier sondage favorable.