Excision: parents condamnés à deux ans avec sursis

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Excision: parents condamnés à deux ans avec sursis

Pour la première fois en Suisse, des parents ayant fait exciser leur fille sur sol helvétique ont dû répondre de leurs actes jeudi devant le tribunal cantonal zurichois.

Ils ont été condamnés à deux ans de prison avec sursis pour lésions corporelles graves.

Arrivé en Suisse dans les années 90, ce couple de Somaliens a reconnu avoir fait exciser la fillette, en 1996, lorsqu'elle était âgée de deux ans, au domicile de la famille dans l'Oberland zurichois. Au moment des faits, les parents ignoraient que les mutilations féminines étaient interdites sur territoire helvétique.

L'opération a été confié à un médecin somalien de passage. Pour 250 francs, celui-ci a excisé la petite fille sous anesthésie locale, sur la table de la cuisine. Des années plus tard, l'acte a été jugé «médicalement correct» par un médecin de l'hôpital de l'enfance.

Les parents étaient alors profondément convaincus de la justesse de leur acte, a estimé le tribunal zurichois. Certes, ils auraient pu s'informer davantage, a-t-il relevé.

Repentir sincère

Depuis, vers la fin des années 90, la mère a appris en fréquentant le groupe de femmes de la mosquée de Zurich que les mutilations génitales féminines ne sont pas prescrites par la religion musulmane. Elle s'est alors mise à sensibiliser ses compatriotes. Le couple a également renoncé à faire exciser une fille cadette.

Ce repentir, ainsi que les aveux et la volonté de coopérer du couple, a poussé le tribunal à la clémence. Tous deux bénéficient en outre d'une réputation sans tache. Le père travaille dans un hôtel zurichois depuis 14 ans, et c'est un collaborateur apprécié.

Un signal, pas un exemple

Une peine ferme déchirerait cette famille nombreuse - elle compte dix personnes. Cela ne ferait que punir la victime, aujourd'hui âgée de 14 ans et qui vit avec ses parents, a estimé le procureur. La cour l'a suivi sur toute la ligne. La défense, pour sa part, a demandé une punition «adaptée». Il faut prendre garde à ne pas faire un exemple de «ces braves gens».

La cour espère que ce jugement aura valeur de signal, a dit son président. Et d'inviter les médecins et les personnes qui s'occupent de migrants d'aborder le thème des mutilations sexuelles avec les personnes qui viennent des pays concernés.

Alertés par un médecin

L'affaire a éclaté en septembre dernier, lorsque l'autorité de tutelle a été alertée par un médecin et a déposé plainte. Un rapport médical atteste que la fillette a des marques de blessures dues à une excision. Les parents ont été placés en détention durant l'enquête puis relâchés.

Selon l'UNICEF, il s'agit du premier procès concernant une mutilation sexuelle pratiquée en Suisse. Jusqu'ici, les milieux de la protection de l'enfance se doutaient de l'existence de telles pratiques sur sol helvétique, mais ils n'avaient jamais pu en apporter la preuve.

Condamnation à Fribourg

Ce procès à Zurich survient après la condamnation par ordonnance pénale, fin mai par la justice fribourgeoise, d'un cas d'excision à l'étranger. La victime, qui vit actuellement dans le canton de Fribourg, avait été excisée en Somalie. Il s'agit de la première condamnation pénale en Suisse d'une affaire du genre.

Une peine de six mois de prison avec sursis avait été infligée à une Somalienne de 50 ans, demi-soeur de la victime, reconnue coupable de violation du devoir d'assistance et d'éducation envers la jeune fille de 13 ans. Une condamnation pour lésion corporelle grave n'était pas possible car l'excision n'est pas reconnue comme un délit en Somalie.

En Suisse, les experts estiment à 6000 ou 7000 le nombre de femmes qui sont mutilées ou menacées de l'être.

(ats)

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