Bruggisser ou la «stratégie du chasseur»

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Grounding de SwissairBruggisser ou la «stratégie du chasseur»

L'anicen patron de Swissair a sa part de responsabilité dans le crash programmé de la compagnie aérienne helvétique, en octobre 2001.

Philippe Bruggisser est l'un des principaux artisans de la chute retentissante de Swissair. L'ex-patron de l'ancien fleuron national incarne surtout la fameuse «stratégie du chasseur» qui a conduit le groupe à sa perte.

L'Argovien, âgé aujourd'hui de 63 ans, aura passé plus de 20 ans au sein du transporteur. Entré en 1979 chez Swissair il grimpe les échelons et finit par accéder à la présidence de la direction (CEO) en 1997.

Sous le nom de SAirGroup, il met en place un nouvelle structure pour chapeauter l'ensemble des activités du pôle aérien, dont Swissair n'est que l'une des filiales.

La stratégie du chasseur

Le groupe entame alors sous sa houlette une politique d'alliances stratégiques agressives, inspirée par les consultants du cabinet McKinsey et validée par le conseil d'administration en 1998. La «stratégie du chasseur» vise à remédier à l'isolement du transporteur, après le refus des Suisses en 1992 de rejoindre l'Espace économique européen.

Le groupe aérien en a toutefois posé les premiers jalons en prenant une participation en 1995 dans la belge Sabena. Il s'engagera ultérieurement dans diverses compagnies nationales et régionales (Volare, Air Littoral, AOM, Air Liberté, LOT, South African Airways, LTU). En mauvaise santé financière pour la plupart, ces compagnies doivent être assainies à coup de capitaux.

En 2000, Philippe Bruggisser reprend provisoirement la direction opérationnelle de Swissair après le départ de l'Américain Jeffrey Katz. Des voix discordantes commencent à s'élever contre la coûteuse politique de participations.

Le 23 janvier 2001, le conseil d'administration annonce qu'il remodèle sa stratégie d'expansion et congédie avec effet immédiat son directeur général. Philippe Bruggisser recevra quand même une indemnité de départ de 2,2 millions de francs et 3,75 millions pour sa caisse de pension.

Hommage

A cette date, Philippe Bruggisser est encore loin d'être considéré comme le fossoyeur de Swissair, même si le conseil d'administration n'a pas un mot de remerciement pour lui ce jour-là.

Le «Blick», qui l'a qualifié de «héros du management» deux mois plus tôt, lui rend même hommage le lendemain. «Il a osé quelque chose de nouveau, quelque chose que personne n'a encore fait», selon son commentateur.

En Suisse romande, «24 Heures» lui accorde des circonstances atténuantes. «Quelle compagnie peut se vanter d'échapper aux turbulences qui secouent l'aviation civile depuis la libéralisation du ciel?», écrit le quotidien vaudois.

Acquittés et dédommagés

Le fondateur de Crossair, Moritz Suter - accessoirement ennemi intime de Philippe Bruggisser - puis Mario Corti, le chef des finances de Nestlé, lui succéderont sans parvenir à redresser la barre du groupe aérien à l'agonie, plombé de surcroît par les attentats du 11 septembre.

Neuf mois après la mise à pied de Philippe Bruggisser, la flotte de Swissair reste clouée au sol le 2 octobre, faute d'argent pour payer le kérosène. En avril, le groupe aérien annonce une perte historique de 2,9 milliards de francs pour l'année 2000. La liquidation intervient en 2002.

Mis en accusation par le parquet zurichois en mars 2006 avec 18 autres personnes, Philippe Bruggisser rejette les reproches qui lui sont faits (gestion déloyale et faux dans les titres). En juin 2007, le tribunal de district de Bülach (ZH) blanchit tous les inculpés et leur accorde 3 millions de francs de dédommagement. Philippe Bruggisser finira même par obtenir 162'000 francs, le double du montant prévu au départ.

Traversée du désert

Après son licenciement, l'ex-homme fort de Swissair est resté longtemps sans emploi. En novembre 2006, il ne parvient pas à se faire élire au conseil d'administration de South African Airways. En 2009, il assure un temps la vice-présidence de Centurion Cargo, opérateur américain en mains privées, spécialisé dans le fret.

La même année, il reprend en août la direction de VistaJet, compagnie d'aviation autrichienne, dont la holding est basée dans le canton de Zoug. Thomas Flohr, fondateur et propriétaire de l'exploitant de jets privés, a toutefois repris les commandes opérationnelles en octobre 2010. L'Argovien n'exerce aujourd'hui plus d'activités pour la société.

Selon le site internet de l'entreprise, Philippe Bruggisser est par ailleurs consultant pour Otus, société britannique fondée en 2002 et spécialisée dans le conseil pour les branches du transport, du catering et du tourisme.

(ats)

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