Surveillance internetUn logiciel d'espionnage utilisé en Suisse
Un programme intrusif qui fait scandale en Allemagne est utilisé par les autorités suisses pour élucider certains crimes graves.

Le programme permet de décrypter des contenus codés.
Les autorités suisses utilisent un logiciel d'espionnage identique à celui qui fait actuellement scandale en Allemagne. Le Département de justice et police (DFJP) a confirmé jeudi soir à l'ATS une information des sites internet de la télévision alémanique SF et du quotidien «20 Minuten».
Les autorités de poursuite pénale de la Confédération et du canton de Zurich ont utilisé dans quelques cas un tel logiciel pour élucider des crimes graves, a expliqué le porte-parole du DFJP Guido Balmer. Cette utilisation intervient après une instruction du ministère public compétent et après approbation du tribunal de contrainte compétent.
En Allemagne, un programme d'espionnage de l'entreprise Digitask a déclenché un scandale, la protection des données étant un sujet particulièrement sensible dans ce pays. Un cheval de Troie a été utilisé dans plusieurs Länder pour la surveillance de suspects.
Base légale discutée
Le DFJP ne peut pas dévoiler, dans l'intérêt des enquêtes, quel est le logiciel utilisé. Selon M. Balmer, il s'agit d'un programme qui permet de décrypter des contenus codés.
Il est cependant contesté que la base légale actuelle soit suffisante pour cela. Les ministères publics qui demandent de telles mesures s'appuient sur l'article 280 du Code de procédure pénale, qui stipule que le ministère public peut utiliser des «mesures techniques de surveillance» pour «écouter ou enregistrer des conversations non publiques».
Comme il n'est cependant pas certain que cet article suffise, le Conseil fédéral a proposé, dans le cadre de l'actuelle révision de la loi fédérale sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (SSCPT), d'en profiter pour créer la base légale adéquate.
Cette proposition s'est heurtée à de nombreuses critiques. Le Conseil fédéral devrait encore décider de la suite de la procédure dans le courant de l'année.
Un «scandale»
Pour le président du Parti Pirate suisse Denis Simonet, c'est un «scandale» que la Suisse utilise un logiciel d'espionnage. De tels logiciels entrent en contradiction avec les principes d'un Etat de droit.
Ils peuvent, par exemple, modifier des données sur un ordinateur, a expliqué M. Simonet à l'ATS. S'il est ensuite mis sous séquestre, il devient impossible de prouver qui a modifié les données. Pour Denis Simonet, c'est comme si la police effectuait la fouille d'une maison, mais en l'ayant déjà faite avant d'entrer.
Commission avertie
Avant l'entrée en vigueur du nouveau Code de procédure pénale, il y avait, selon le DFPJ, une base légale pour l'utilisation de mesures techniques de surveillance, qui pouvait inclure les logiciels d'espionnage.
En ce qui concerne le Ministère public de la Confédération (MPC), il continue de se référer à cette base légale antérieure au 1er janvier 2011, a précisé Guido Balmer.
Le DPFJ a informé jeudi après-midi la commission des affaires juridiques du Conseil national à propos de l'utilisation en Suisse de logiciels d'espionnage. La livraison de tels logiciels à la Suisse par l'entreprise allemande Digitask était cependant déjà connue. (ats)