SuisseLe Parlement se repenchera sur le congé paternité
Le Conseil fédéral a adopté vendredi son message destiné aux Chambres pour qu'elles rejettent l'initiative. La balle est dans le camp du Parlement.

L'initiative plaide pour un congé paternité de 20 jours qui peut être pris de manière flexible.
Tous les employeurs ne devraient pas être obligés d'accorder un congé paternité rémunéré. Opposé à l'initiative populaire qui exige quatre semaines de vacances, le Conseil fédéral ne veut même pas lui opposer de contre-projet. La balle passe dans le camp du Parlement.
L'initiative «Pour un congé de paternité raisonnable - en faveur de toute la famille» souhaite un congé paternité de 20 jours pouvant être pris de manière flexible dans l'année qui suit la naissance de l'enfant. Sur le modèle de l'assurance maternité, il serait financé via les allocations pour perte de gains (APG) et garantirait 80% du revenu, mais au plus 196 francs par jour.
Selon le message adopté vendredi par le gouvernement, les coûts de l'initiative mettraient en péril la compétitivité de l'économie. Un tel congé coûterait 420 millions de francs par an, soit 0,11% de cotisations APG.
Le Conseil fédéral s'oppose à un régime financé par le régime des APG. Cela entraînerait des charges supplémentaires pour les entreprises et affecterait leur organisation. Un congé paternité doit rester du ressort des employeurs ou des partenaires sociaux.
Cibler l'accueil extrafamilial
Le gouvernement préfère mettre la priorité sur le développement d'une offre d'accueil extrafamilial adaptée aux besoins. A la différence du congé paternité, ces offres aident les parents à concilier vie familiale et professionnelle non seulement juste après la naissance d'un enfant, mais également lorsque celui-ci entre à l'école.
Et le Conseil fédéral de rappeler deux nouveautés qui entreront en vigueur le 1er juillet. La Confédération pourra soutenir financièrement les cantons et les communes qui augmentent leurs subventions à l'accueil extrafamilial des enfants de façon à réduire les coûts à la charge des parents.
Elle pourra également participer au financement de projets qui visent une meilleure adéquation de l?offre aux besoins des parents. Le tout grâce à une enveloppe plafonnée à 100 millions de francs pour une durée de cinq ans. Le gouvernement a par ailleurs proposé en mai au Parlement de porter la déduction des frais de garde effectif de l'impôt fédéral direct de 10'100 francs à 25'0000.
Le gouvernement ne veut en revanche plus prolonger le programme fédéral d'impulsion pour la création de places d'accueil extrafamiliales qui permis de créer plus de 57'000 places en quinze ans. Le Parlement pourrait toutefois lui forcer la main. Le National doit se pencher sur la question le 12 juin.
Impatience des initiants
Les Chambres pourraient aussi opter pour un contre-projet à l'initiative sur le congé paternité. En 2016, le Conseil national avait enterré une initiative parlementaire de Martin Candinas (PDC/GR) exigeant deux semaines de congé par seulement 97 voix contre 90 et 5 abstentions et le Parlement a déjà traité plus d'une douzaine d'interventions sur le sujet.
Les initiants ne risquent pas de baisser la garde. Le texte qui a recueilli plus de 107'000 signatures valables a été lancé par des syndicats et des associations dont Travail.Suisse, Pro Familia Suisse, Alliance F et la faîtière d'hommes et de pères «männer.ch» en réaction à l'inaction du Parlement.
Un jour dans les PME
Actuellement, seules les grandes entreprises peuvent offrir un congé paternité rémunéré à leurs salariés, déplorent les initiants. Dans les petites entreprises, la plupart des pères doivent se contenter d'un seul jour, sacrifier des jours de vacances ou prendre un congé non payé.
Le modèle proposé par les initiants vise des conditions équitables pour toutes les entreprises. Il donne la possibilité aux salariés masculins de négocier avec leurs supérieurs hiérarchiques une solution qui convienne aux deux parties. Par exemple, un père peut rester chez lui deux semaines dès le jour de l'accouchement et prendre les jours restants durant la première année de l'enfant.
A la naissance d'un enfant, les deux parents se retrouvent dans une répartition des tâches traditionnelle. Selon les initiants, le congé paternité permettrait de casser ce schéma pour arriver à une vraie égalité homme-femme.
Réactions contrastées
Pour l'association «Le congé paternité maintenant!», ce rejet signifie que le Conseil fédéral s'en fiche des besoins des jeunes familles. L'argument des coûts n'est qu'un prétexte, estime-t-elle. Car l'initiative, et d'autant plus un contre-projet, n'engendrent que des coûts très limités. «C'est visiblement par position idéologique que le Conseil fédéral estime qu'un congé paternité n'a pas lieu d'être. Il fait ainsi passer l'idéologie avant les besoins des jeunes familles et méconnaît totalement les réalités d'aujourd'hui et c'est honteux.»
Les Verts regrettent aussi ce rejet du Conseil fédéral recommande de refuser l'initiative. Malheureusement, «cette décision ne surprend guère», écrivent-ils: il y a quelques jours, il a décidé de cesser le programme d'aide à la «création de places d'accueil pour enfants». Aujourd'hui, il récidive: pour lui, concilier les vies professionnelle et familiale n'a aucune priorité, estiment-ils.« Sa vision passéiste de la famille n'a rien à voir avec une Suisse progressiste», ajoute Aline Trede, vice-présidente du groupe parlementaire.
L'Union suisse des arts et métiers, l'usam, salue elle la décision du Conseil fédéral.« Sur le plan financier, l'État social a atteint depuis longtemps les limites du supportable», écrit-elle. L'économie et la population active non seulement ne sont plus disposées à assumer des contributions et des déductions salariales toujours plus élevées, mais elles ne sont souvent pas en mesure de le faire. Il importe de ne pas imposer de nouvelles prescriptions légales, assure-t-elle.