La Suisse bloque les avoirs de Ben Ali et Gbagbo

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TunisieLa Suisse bloque les avoirs de Ben Ali et Gbagbo

La Suisse a décidé mercredi de bloquer les fonds du président tunisien Ben Ali. Les avoirs du président ivoirien Laurent Gbagbo seront aussi gelés.

La Suisse bloque les avoirs de l'ex-président tunisien Ben Ali et du président déchu de la Côte d'Ivoire Laurent Gbagbo et de leur entourage. Le Conseil fédéral a décidé mercredi ce gel immédiat afin d'éviter tout risque de détournement des fonds publics.

Impossible pour l'heure de dire si la Suisse héberge bel et bien des fonds appartenant aux deux clans. «Mais il existe des indices en ce sens», a affirmé la présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey devant la presse.

«On sait par exemple que des proches de l'ex-président tunisien Ben Ali ont effectué divers voyages en Suisse au cours des derniers mois». L'expérience montre que ces déplacements ont pu être utilisés pour transférer de l'argent, a précisé la cheffe du Département des affaires étrangères (DFAE).

Néanmoins, il est peu probablement que des mouvements financiers aient eu lieu au cours des derniers jours en vue de mettre l'argent à l'abri, selon elle. Les intermédiaires financiers helvétiques ont un devoir de diligence: ils ont donc suivi attentivement la situation et auraient signalé d'éventuels transferts suspects, a estimé Mme Calmy-Rey.

Plus de 600 millions

Les intermédiaires sont d'ailleurs désormais tenus de rechercher activement d'éventuels fonds appartenant aux deux hommes et à leur entourage, selon l'ordonnance édictée par le gouvernement. La statistique de la Banque nationale pour 2009 fait état de 621 millions de francs d'origine tunisienne en Suisse, a précisé la présidente. «Mais on ne sait pas à qui ils appartiennent».

La liste des personnalités tunisienness frappées d'embargo compte une quarantaine de noms. Outre le blocage des éventuels fonds de M. Ben Ali et de son entourage, le Conseil fédéral a interdit la vente et l'aliénation de leurs biens immobiliers en Suisse. Ces mesures permettent d'éviter à la place financière suisse de devenir le refuge de fonds illicitement pris aux populations.

Mais le Conseil fédéral attend désormais les demandes d'entraide judiciaire en matière pénale de la Tunisie et de la Côte d'Ivoire. Pour l'heure, aucune requête n'a été déposée. L'ordonnance du Conseil fédéral s'applique pendant trois ans.

«Signal fort» salué

Les Tunisiens de Suisse ont salué la décision «rapide» du Conseil fédéral, qui envoie «un message clair et engagé à l'attention des régimes corrompus». Le Parti socialiste a également salué «un signal fort» du Conseil fédéral, alors que le Mouvement Citoyens Genevois a qualifié la décision de Berne d'»admirable».

Les Verts ont pour leur part profité de l'occasion pour réclamer la fin du secret bancaire, estimant que la Suisse reste «un paradis pour les avoirs illicites des gouvernements corrompus». Un avis que ne partage pas l'Association suisse des banquiers (ASB), pour qui la décision du conseil fédréal «montre que le système fonctionne».

«Manque de neutralité» dénoncé

Quant au gel des biens de Laurent Gbagbo et de son entourage, la Suisse s'aligne sur la décision prise par l'Union européenne. Les Etats-Unis ont eu aussi bloqué une partie de ses biens.

Un représentant en Suisse du Front populaire ivoirien (FPI), le parti de M. Gbagbo, a dénoncé «le manque de neutralité» de la Suisse dans ce dossier. Selon lui, le président ivoirien sortant «ne possède pas de compte en Suisse».

Tensions

Micheline Calmy-Rey n'a pas voulu analyser en profondeur l'état des deux pays. Pour ce qui est de la Côte d'Ivoire, la «situation est très tendue», entre M. Gbagbo qui détient le pouvoir et Alassane Ouattara, le président reconnu par la majorité de la communauté internationale. En Tunisie, la «situation est encore incertaine, je ne peux pas donner orientation sûre», a admis Mme Calmy-Rey.

L'ordonnance du gouvernement se base sur la constitution. La nouvelle loi sur la restitution des avoirs illicites n'entrera en vigueur que le 1er février. Elle s'applique aux Etats qui ne sont pas en mesure de mener des procédures pénales nationales, en raison de la défaillance de leur système judiciaire. Elle doit éviter que les fonds détournés par des dictateurs ne retombent en mains criminelles après avoir été bloqués en Suisse. (ats)

Enquête judiciaire

Une enquête judiciaire pour «acquisition illégale de biens» et «placements financiers illicites à l'étranger» a été ouverte contre le président déchu Zine El Abidine Ben Ali et sa famille, a annoncé mercredi l'agence officielle TAP.

L'enquête est ouverte pour «l'acquisition illégale de biens mobiliers et immobiliers», les «placements illicites à l'étranger» et «l'exportation illégale de devises», a précisé l'agence citant une «source autorisée».

Elle vise nommément l'ancien chef d'Etat, sa femme Leila Trabelsi, «les frères et gendres de Leila Trabelsi, les fils et les filles de ses frères».

Le clan Ben Ali-Trabelsi est accusé d'avoir mis en coupe réglée le pays depuis 23 ans. Le président déchu a abandonné le pouvoir vendredi et s'est enfui en Arabie Saoudite, à l'issue d'un mois de révolte populaire.

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