Suisse-UELe milliard que Berne veut verser à l'UE divise
Si au PS et au PDC, on salue la volonté du Conseil fédéral, à l'UDC on crie au scandale. Le PLR lui pose ses conditions.
La Suisse a accepté de débloquer 1,3 milliard de francs pour continuer d'aider, comme elle l'a fait pendant dix ans, les pays d'Europe centrale et orientale membres de l'UE pour une nouvelle période de 10 ans. Le Conseil fédéral l'a annoncé jeudi à l'occasion de la visite à Berne du président de la commission européenne Jean-Claude Juncker.
Dans l'intérêt de la Suisse, pour le PS
Une décision saluée par le chef du groupe socialiste aux Chambres, le conseiller national vaudois Roger Nordmann. «C'est dans l'ordre des choses et tout à fait dans l'intérêt de la Suisse de verser un tel milliard, note-t-il, car cet argent est destiné avant tout à la formation». Par ailleurs, il relativise la somme à verser chaque année, soit quelque 130 millions. «Il faut rappeler le milliard de francs échangé tous les jours entre la Suisse et l'UE», souligne-t-il. Du milliard de cohésion versé, 200 millions de francs seront consacrés à la migration, soit 20 millions par année. «Cette somme est tout à fait normale pour aider des pays comme l'Italie et la Grèce», plaide-t-il.
Quant au manque de progrès sur l'accord-cadre, rien que de très normal selon lui. «En l'état, il n'est pas assez abouti et cohérent pour être signé», explique-t-il. Mais il ne s'inquiète pas. «Rien ne sert de précipiter les choses». D'autant qu'il faudra encore en Suisse, outre celui de la gauche, le soutien du PDC et du PLR sur la question, rappelle-t-il. Le socialiste se dit enfin d'accord avec le président de la commission européenne Jean-Claude Juncker qui critiquait ce jeudi le terme d'accord-cadre et qui préférait parler de «traité d'amitié». Un traité dont il faut maintenant consolider les rapports, conclut Roger Nordmann.
Un scandale pour l'UDC
Evidemment, le son de cloche n'est pas du tout le même à l'UDC. «C'est un scandale, s'écrie le parti par voie de communiqué. Le Conseil fédéral fait à l'UE un cadeau de 1,3 milliard de francs aux frais des contribuables. Ceci sans obtenir une contrepartie notable de Bruxelles», s'énerve le parti. «Juste pour se faire valoir auprès de Jean-Claude Juncker, la présidente de la Confédération lui a fait ce cadeau de Noël anticipé», continue l'UDC. C'est bien l'avis de sa vice-présidente, la conseillère nationale genevoise Céline Amaudruz: «Non seulement, c'est un scandale, mais c'est inquiétant», s'exclame-t-elle. «C'est comme si on versait une rançon avant que les preneurs d'otages nous fassent part de leurs exigences », critique-t-elle vertement. «On donne 1,3 milliard de francs sans contrepartie, sans négociation, c'est insensé».
Le président de la commission européenne lors de la conférence de presse avec Doris Leuthard ce 23 novembre 2017.
Pour elle, deux possibilités: soit l'UE a des exigences et le Conseil fédéral n'en dit rien, et il est «malhonnête» ; soit il offre un milliard en espérant que l'UE soit gentille, et dans ce cas, il est «naïf», estime-t-elle.
L'UDC critique également la volonté du Conseil fédéral de conclure un accord-cadre sur la reprise automatique de droit et la reconnaissance de juges UE, «traité qui fera de la Suisse une colonie du moloch bureaucratique et antidémocratique bruxellois». Selon Céline Amaudruz, cela montre surtout que le gouvernement n'est pas à l'écoute du peuple qui a dit oui à l'initiative de l'UDC contre l'immigration de masse le 9 février 2014. «C'est inquiétant, car il ne fait que répéter un vieux discours tout en étant incapable de s'adapter.»
Sans surprise, le premier parti du pays annonce qu'il se battra «de toutes ses forces» dans le cadre de la procédure de consultation et des débats parlementaires.
Etat des lieux nécessaire
Le PLR est lui bien plus nuancé dans ses propos. Il estime qu'un état des lieux est nécessaire dans le dossier européen. Il s'agit à présent de répondre à plusieurs questions en suspens liées au futur de cette relation entre la Suisse et Bruxelles, écrit le parti. L'une d'entre elles concerne la contribution à la cohésion.
Et le parti de lier son consentement aux conditions suivantes : d'une part, des avancées durables dans les relations entre la Suisse et l'Union Européenne sont impératives. Les relations bilatérales doivent être normalisées et il faut en finir avec toute forme de politique de blocage, estime-t-il. D'autre part, les projets soutenus doivent aussi présenter une plus-value pour la Suisse, notamment dans les domaines de l'économie et de la politique migratoire, car le milliard de cohésion n'est pas un cadeau de la Suisse sans contrepartie.
Enfin, le PLR veut des réponses aux différentes questions en suspens concernant l'avenir de la relation entre la Suisse et l'UE. Il attend donc du Conseil fédéral qu'il élabore un état des lieux du dossier au printemps 2018. Pour le parti, le gouvernement doit montrer comment il compte défendre les intérêts de notre pays et poursuivre les accords bilatéraux.
Le PDC salue la normalisation
Du côté du PDC, parti de la présidente de la Confédération, on salue «la normalisation des relations entre la Suisse et l'Union européenne». La rencontre entre Doris Leuthard et Jean-Claude Juncker permet enfin de faire bouger le dossier des relations bilatérales, estime le parti.
Quant au milliard de cohésion, c'est «une reconnaissance des avantages économiques de l'élargissement à l'Est du marché unique européen », estime le parti qui soutient le principe d'un engagement supplémentaire via cette contribution. «Les entreprises suisses et l'économie dans son ensemble profitent du renforcement de ces partenariats économiques.»
Le PDC revient encore sur la reconnaissance de l'équivalence de cadre juridique et du dispositif de surveillance suisses sur les marchés. « C'est un succès important pour la place financière suisse, estime-t-il.