Votations 10 juinUn Suisse jouait plus de 8 heures par jour au poker
Alors que les Suisses doivent se prononcer sur la nouvelle loi sur les jeux d'argent, des chercheurs ont étudié pour la première fois le comportement de joueurs en ligne. Ils se disent inquiets.

Pendant deux semaines, des Suisses ont joué en moyenne 4 heures par jour au poker sur un site étranger bien connu.
KeystoneA un peu plus de trois semaines de la votation du 10 juin sur les jeux d'argent qui propose notamment de bloquer les sites de jeux en ligne étrangers, la Neue Zürcher Zeitung publie ce vendredi les résultats d'une étude de chercheurs en médecine préventive qui se sont penchés sur les habitudes des joueurs suisses sur internet. Une première, car jusqu'ici personne n'avait fourni de chiffres concrets à ce sujet.
Une équipe a en effet pu évaluer pendant deux semaines à quelle fréquence et pendant combien de temps les utilisateurs suisses se sont connectés au site www.pokerstars.com via leurs appareils mobiles. Cette salle de poker en ligne, située sur l'île de Man, est le plus grand fournisseur mondial de ce jeu.
Plus de 8 heures par jour pendant 2 semaines
Verdict: pendant 14 jours, 3146 appareils mobiles se sont connectés au site et quelque 20'124 sessions d'utilisateurs ont été ouvertes. «Nous avons été surpris de voir à quel point les Suisses utilisaient ce site», déclare Jochen Mutschler, un psychiatre et psychothérapeute qui fait partie de l'équipe de six experts qui ont évalué les données. Mais il se dit inquiet du temps de jeu parfois excessif observé. En effet, un participant a joué pendant 112 heures et 22 minutes. Soit plus de 8 heures par jour pendant 2 semaines, samedi et dimanche inclus. Et en moyenne, les Helvètes ont joué au poker pendant près de 4 heures par jour.
Encore plus inquiétant: la comparaison des données avec les contrats de téléphonie mobile associés révèle que des mineurs ont également accédé illégalement au site web.
La nouvelle loi sur les jeux d'argent assurera environ 1 milliard de francs à l'AVS, au sport, à la culture et à des projets sociaux. Pour le comité interpartis derrière le texte, seuls les fournisseurs étrangers en ligne ont intérêt à un «non» en votation le 10 juin.
Toutefois, l'étude, publiée à l'automne 2017, ne permet pas de tirer des conclusions significatives sur le potentiel de dépendance des jeux en ligne, rappelle la NZZ. La durée de l'enquête était en effet trop courte, et l'accès au site de jeu via les ordinateurs de bureau n'a pas été enregistré. «Cependant, notre étude a montré que l'analyse du trafic de données est une méthode prometteuse pour déterminer les comportements dépendants dans les offres en ligne», affirme Jochen Mutschler. Selon lui, elle pourrait aussi être appliquée aux réseaux sociaux ou à la pornographie.
Le comité référendaire contre la loi sur les Jeux d'argent a lancé sa campagne suisse romande mercredi à Lausanne.
Future loi sans doute inefficace
Le projet de loi sur lequel les Suisses vont voter le 10 juin prévoit que seuls les casinos conventionnels seront autorisés à proposer des jeux en ligne. Les sites étrangers seront bloqués. Les partisans estiment ainsi que ces interdictions seront une mesure efficace pour protéger les Helvètes contre la dépendance au jeu.
Les casinos suisses ne doivent pas avoir le monopole des jeux d'argent sur Internet. Dénonçant le blocage des autres offres en ligne prévu dans la nouvelle loi soumise au peuple le 10 juin, les opposants ont lancé jeudi à Berne leur campagne de votation.
Mais le chercheur se dit sceptique. Selon lui, le blocage de pages individuelles sera peu utile, car les dépendants au jeu contourneront facilement ces barrières. Il plaide en revanche pour un meilleur travail de prévention. «Les données obtenues par l'analyse de l'accès à ces sites web pourraient être utilisées pour créer une application qui avertit l'utilisateur s'il montre des tendances addictives», suggère-t-il.
La NZZ rappelle encore que 75'000 personnes sont considérées comme des joueurs excessifs en Suisse, et une sur cinq se trouve en difficulté financière. En outre, les coûts sociaux de la dépendance au jeu sont estimés à 60 millions de francs par an.