SuisseUne convention pour lutter contre la pauvreté
En Suisse, quelque 530'000 personnes sont touchées par la précarité et 13,5% de la population est menacée d'y tomber.

Face à la pauvreté qui touche toujours plus de personnes en Suisse, la Conférence nationale - qui s'est tenue mardi à Bienne - a insisté sur l'urgence de renforcer la prévention. Une convention non-contraignante a été signée en ce sens.
Le risque de pauvreté dépend largement de la situation familiale et du niveau de formation, a rappelé la Conférence nationale contre la pauvreté. Les groupes les plus exposés sont sans surprise les familles monoparentales, les personnes vivant seules et les personnes sans formation professionnelle.
Tenue en présence de 370 participants, la manifestation a permis de dresser un bilan intermédiaire du Programme national contre la pauvreté, jugé réjouissant par le conseiller fédéral en charge du Département fédéral de l'intérieur (DFI) Alain Berset.
Lancé en 2014 et d'une durée de cinq ans, ce programme vise à définir des moyens de prévention et de lutte contre la pauvreté en Suisse. Mis en oeuvre conjointement par la Confédération, les cantons, les villes et les communes ainsi que des organisations de la société civile, il veut mettre en réseau les acteurs et encourager la collaboration entre eux.
Premiers résultats
«Personne ne devrait vivre dans la pauvreté», a estimé Alain Berset dans une allocution très applaudie. «Et pourtant chez nous, plus de 500'000 personnes vivent dans la pauvreté», a-t-il souligné, précisant qu'elles représentaient entre 6 et 7% de la population.
Le ministre socialiste a expliqué que la pauvreté n'était pas qu'une question de revenu, mais aussi de capacité à se payer ce qui est nécessaire pour être intégré dans la société. Il a estimé que la prospérité était tributaire de l'intégration et de la solidarité.
Le Fribourgeois s'est arrêté sur les trois champs d'action du programme: l'égalité des chances pour tous, l'encouragement de l'intégration socioprofessionnelle et l'amélioration des conditions de vie.
En encourageant de nombreuses manifestations, le projet a soutenu la mise en réseau des acteurs concernés et le partage de connaissance. Des problématiques peu abordées jusqu'ici, comme la question du logement, ont pu être mises en avant. Le programme a aussi soutenu divers projets dans les domaines de l'éducation précoce, le choix professionnel et la formation de rattrapage.
Pour le chef du DFI, tous les niveaux de l'Etat fédéraliste doivent s'engager dans la prévention de la pauvreté et il est important que tous les acteurs concernés collaborent.
Déclaration commune
En ce sens, des représentants de la Confédération, des cantons, des villes et des communes se sont engagés à poursuivre leurs efforts en signant sous les applaudissements une déclaration commune dans les trois langues nationales. Signataire pour la Confédération, Alain Berset a relevé que la déclaration n'avait pas un caractère contraignant.
Le texte vise à favoriser les chances de formation des enfants issus de familles défavorisées par le biais d'une éducation précoce et d'un soutien adapté aux parents.
Les mesures d'intégration sociale et professionnelle existantes devront être renforcées et adaptées aux problèmes sociaux actuels. Les stratégies des différents acteurs engagés seront évaluées dans deux ans en fonction des résultats du Programme national contre la pauvreté.
Pauvreté cachée
«En Suisse, la pauvreté n'est souvent même pas perçue extérieurement. Elle se passe en quelque sorte dans l'ombre», a souligné le maire de Bienne Erich Fehr. Pour l'élu socialiste, bien des personnes frappées par la pauvreté ont honte de s'annoncer auprès des services publics.
La thématique du non-recours à l'aide sociale a été développée par Jean-Pierre Tabin, professeur à la Haute école de travail social et de la santé à Lausanne. «On insiste sur les abus à l'aide sociale, mais pas sur le non-recours à l'aide sociale», a-t-il relevé en évoquant ces personnes qui auraient droit à percevoir des prestations, mais ne les touchent pas.
Plusieurs raisons expliquent ces cas: la lourdeur de la bureaucratie, une méconnaissance du système, un dispositif complexe ou la peur d'une discrimination et d'une stigmatisation.
«Le non-recours est un problème social majeur», a insisté Jean-Pierre Tabin. Pour ce professeur, il faut associer les personnes concernées à la conception des politiques sociales et aux réformes de l'aide sociale. «Il y a tout à y gagner», a-t-il ajouté sous les applaudissements des participants.
Pour Caritas Suisse, l'objectif le plus important est de prévenir la pauvreté. «La Confédération doit endosser la responsabilité d'une mise en oeuvre au plan fédéral», a écrit l'organisation, relevant que le Parlement fédéral doit poser les bases nécessaires à cette prévention. (nxp/ats)