«Découvrir ces chiffres si élevés a été un choc»

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Harcèlement de rue à Lausanne«Découvrir ces chiffres si élevés a été un choc»

Un rapport sur le harcèlement de rue est dévoilé: une majorité de
femmes en sont victimes.

Frédéric Nejad Toulami
par
Frédéric Nejad Toulami

Membre de l'Observatoire de la sécurité à Lausanne, Yolande Gerber réagit aux chiffres inquiétants du harcèlement de rue...

Il n'existait pas d'étude sérieuse en Suisse sur le phénomène du harcèlement de la gent féminine dans les lieux publics. Mais, à la suite de l'adoption d'une interpellation de Léonore Porchet, présidente des Verts lausannois, à ce sujet en janvier 2016 (lire encadré), la Municipalité a commandité un rapport à l'Observatoire de la sécurité.

En collaboration avec l'institut de recherche Idiap, il a dévoilé hier les résultats de cette enquête, réalisée dans divers quartiers de Lausanne entre juin et juillet, surtout auprès de femmes: 72% d'entre elles, âgées de 16 à 25 ans, déclarent avoir été victimes de harcèlement de rue au moins une fois ces douze derniers mois. Et 50% l'ont été au moins une fois chaque mois! Quand? Principalement la nuit. Où? Surtout dans les parcs et les rues, ainsi que les bistrots et les clubs, mais aussi en gare. De quelle manière? Ça va des sifflements (88% des cas) à des infractions pénales comme des insultes (63%), des attouchements (31%) ou la poursuite (42%). Les auteurs sont des hommes, souvent en groupe.

En découvrant ces chiffres, Yolande Gerber, de l'Observatoire de la sécurité, confesse: «Ils sont si élevés que ça a été un choc, au point d'appréhender de les communiquer.» Elle rappelle que le dépôt de plainte est rare.

Des mesures à prendre

Municipal responsable de la Sécurité, Pierre-Antoine Hildbrand s'est dit frappé, hier, par ce rapport et promet que la Ville va prendre des mesures, mais qu'elle ne «pourra pas agir sur l'ensemble de ce phénomène».

«Un problème peut-être parfois sous-estimé par le passé»

Président du parti socialiste lausannois, Benoît Gaillard se demande s'il ne faudrait pas instaurer parfois le "testing" de plaintes auprès de la police, pour analyser la réaction des agents face à de telles dénonciations. A l'image du "testing" à l'entrée de boites de nuit, pour vérifier s'il n'y a pas de racisme dans la sélection des clients. "Les chiffres de ce rapport ne sont pas agréables à lire, mais ils prouvent qu'il existe bien un problème qui a peut-être parfois été sous-estimé par le passé. Il faut désormais agir", déclare Benoît Gaillard. Il faut, selon lui, sensibiliser à cette problématique tant le public que les policiers: "Les auteurs de tels actes ne doivent pas se croire dans l'impunité, mais nous constatons que la chaine pénale est surchargée. Donc il ne faut pas compter que sur la répression. Il s'agit de restaurer la norme sociale, de mobiliser par l'information les citoyens témoins de tels actes pour qu'ils osent agir dans de telles situations. Comme par exemple approcher la victime. Et ce afin que les auteurs de harcèlement n'osent plus agir ainsi en public à terme."

Sensibiliser les écoliers. Et les policiers?

La Municipalité vient d'inscrire à son programme de législature la lutte contre le harcèlement de rue. Pierre-Antoine Hildbrand a évoqué lundi des actions envisageables, comme un éclairage et une présence policière accrus dans certaines rues ainsi "sécurisées". Mais sans pour autant créer des axes balisés la nuit réservés aux femmes. Une telle idée fait bondir d'ailleurs la Verte Léonore Porchet, pour qui cela reviendrait à leur signifier que passer ailleurs, c'est à leurs risques et périls. L'idée de mobiliser plus tard dans la nuit (jusqu'à 2h du matin pour l'instant) les Correspondants de nuit à des endroits sensibles semble envisagé, mais il faudra notamment trouver le financement. Pour l'heure donc, rien de concret et d'immédiat. De plus, si une sensibilisation est imaginée dans les écoles, rien de précis concernant la police. Le municipal Pierre-Antoine Hildbrand se contente de mentionner que le commandant de la police lausannoise a pris connaissance de ce rapport et l'a co-signé. Pourtant, des victimes qui alertent en direct le 117 Police Secours sont souvent invitées à se faire discrètes et à prendre la fuite si elles n'ont pas été frappées. Comment alors rendre "possible d'améliorer l'identification des auteurs" pour les sanctionner, comme l'indique par écrit la Municipalité lundi, si Police Secours refuse de se déplacer pour pour une main aux fesses et des insultes?

Léonore Porchet: «J'ai aussi subi cela»

La présidente des Verts à Lausanne a réagi hier au rapport. «Je suis frappée par l'ampleur des chiffres, qui sont comparables à ceux dans les grandes villes à l'étranger. Et je suis très étonnée de l'étonnement de la Municipalité», s'agace Léonore Porchet, qui dit avoir aussi subi du harcèlement de rue. Le plus important et rapide à faire selon elle? «Sensibiliser, mais pas que les écoliers. Là où ça se passe: dans les parcs, les bars. Et aussi les tenanciers de bistrots, parfois témoins de scènes, qui puissent aider ou alerter les forces de l'ordre. Pourquoi ne pas mettre des affiches dans les wc qui invitent les victimes à demander de l'aide auprès des serveurs ou du tenancier? Et il est indispensable de sensibiliser les policiers! Car souvent ils reçoivent très mal les victimes d'actes à caractère sexuel. Voire les culpabilisent.» Léonore Porchet prend aussi en exemple ce qui se fait dans certaines villes en France: créer des "zones sans relou" dans des rues ou des bars, pour agir ou réagir aux sifflements et insultes subies par des femmes dans l'espace public.

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