Vaud/BerneLa fête de Noël aurait viré au cauchemar
Un jeune homme est jugé pour avoir fait boire une ado de 15 ans à une soirée érythréenne avant de la violer chez lui.
Sara* avait accepté l'invitation de Mitch* à une fête érythréenne à Berne, le 24 décembre 2015, car sa mère le connaissait. L'ado de 15 ans habitait dans le Jura et s'était rendue en train à cette soirée communautaire. Sur place, ils ont bu de l'alcool. Puis le jeune homme, désormais âgé de 25 ans, a demandé à un compatriote de les ramener en voiture dans son studio, à Romanel-sur-Lausanne (VD), en raison de l'heure tardive et de l'état d'ébriété de Sara, semble-t-il. Une fois chez lui, tout a dérapé.
Si les versions divergent totalement, des faits semblent avérés: l'adolescente aurait eu une relation sexuelle dans la salle de bains cette nuit-là avec celui qu'elle pensait être une personne de confiance. Consentie, forcée ou imaginaire? La présidente du Tribunal correctionnel de Lausanne et ses juges assesseurs devront forger leur opinion sur les éléments de preuves recueillis durant l'enquête et divers témoignages. Comme les traces ADN de l'accusé retrouvées dans les parties intimes de la victime.
Mardi, pour la procureure Ximena Manriquez qui a instruit l'affaire, il ne subsistait aucun doute sur «la culpabilité écrasante» de Mitch. Lui conteste tout depuis le début, même face à un témoignage embarrassant du copain présent dans le studio cette nuit-là.
Beau gosse, bien bâti, Mitch est père d'un enfant d'un an. Il est né et a grandi au Soudan avant de partir dans son pays d'origine, l'Erythrée. Il y a fait un an de service militaire puis il déclare avoir été emprisonné pendant 3 ans. Il est ensuite parvenu à rejoindre la Suisse où il bénéficie d'un permis F de séjour temporaire. En 2014, il a été condamné à une peine de prison avec sursis pour lésions corporelles graves, lors d'une bagarre. Il bénéficie d'un sursis de deux ans qui risque de lui être retiré s'il est reconnu coupable par la Cour correctionnelle lausannoise jeudi après-midi.
Les infractions retenues contre lui sont au nombre de quatre: remise à des enfants de substances (l'alcool fort) pouvant les mettre en danger, actes d'ordre sexuel avec des enfants, contrainte sexuelle et viol, punissable jusqu'à dix ans de prison.
Son avocate, Me Marie Burkhalter, a rappelé que l'âge de la victime est contesté et que son client ne savait pas qu'elle était mineure. Pourtant, lorsque Sara est venue témoigner au tribunal mardi matin, c'est une fille petite et frêle qui est apparue, une enfant. Accompagnée de sa mère, elle a accepté de venir à condition de ne pas être confrontée visuellement au prévenu.
Sara n'a pas porté plainte après les faits supposés: «qu'est-ce que cela m'apporterait de positif? Je souhaite oublier tout cela». C'est l'hôpital jurassien où elle s'est rendue cinq jours plus tard qui a alerté la police. Ses griffures sur le visage? Elle a reconnu s'être auto-mutilée tellement elle était sous le choc de ce qu'elle venait de subir. Elle a cependant refusé d'aller consulter un psy pour se faire aider.
Pour la défense, un doute raisonnable subsiste, et il doit donc profiter au prévenu. Ce d'autant plus qu'à deux reprises, à deux interlocuteurs différents (dont une sage-femme), Sara a d'abord déclaré qu'elle avait été consentante pour des actes sexuels cette nuit-là chez Mitch. Ce n'est qu'en juin dernier qu'elle a parlé de pénétrations forcées. Y'a-t-il eu des pressions au sein de sa communauté pour qu'elle taise la vérité et ne porte pas atteinte à un homme en couple avec un bébé? C'est la thèse privilégiée par le Ministère public, qui rappelle que «dans la culture érythréenne, l'atteinte d'une femme dans sa chair peut se retourner contre elle».
La procureure a requis une peine ferme de cinq ans de prison contre celui qu'elle a décrit comme un prédateur sexuel qui ne montre aucune prise de conscience et nie tout. Elle a demandé aussi la révocation du sursis dont il bénéficiait. Verdict jeudi.
*prénoms d'emprunt