Interview de Matthew Bellamy, leader du groupe Muse
Paléo - A quelques heures de son concert à Paléo, Matthew Bellamy, leader charismatique du groupe Muse, répond aux questions de « 20 minutes » dans le cadre feutré d'un hôtel genevois.
– Comment s'est passé votre concert à Locarno il y a dix jours?
– C'était magnifique. C'était la première fois que nous jouions là-bas et cela a été une très bonne surprise : le cadre, au bord du lac, était merveilleux. Surtout que nous revenions d'un concert affreux près de Dublin, sous la pluie, dans la boue et le froid.
– Et Locarno est proche de chez vous (Matt habite dans le nord de l'Italie).
– Oui, c'est la première fois que j'ai pu rentrer chez moi après un concert !
– Vos concerts sont à chaque fois des shows exceptionnels. Aimeriez-vous en voir un au milieu du public?
– Oui, car je me suis toujours demandé si, objectivement, j'apprécierais Muse. Lorsque je regarde nos concerts en vidéo, je ne cherche que les erreurs.
– Vous avez joué à Glastonbury, à Wembley. Y a-t-il encore des endroits où vous rêvez de jouer?
– Dans beaucoup d'endroits, surtout en Amérique du Sud, au Moyen-Orient ou en Afrique. On apprend à chaque fois des nouvelles choses sur le public, sur sa manière de réagir.
– Et le public suisse?
– Très bon ! C'est d'ailleurs le pays où nous avons joué le plus cette année.
– Réalisez-vous ce qui vous est arrivé depuis les débuts de Muse, il y a bientôt treize ans?
– Je crois que nous sommes capables d'apprécier tout ce qui nous sépare de nos débuts, ce que nous sommes devenus, tout le chemin parcouru. Nous revenons souvent chez nous (n.d.l.r.: dans le sud-ouest de l'Angleterre), ce qui nous aide à garder les pieds sur terre.
– Quelle sensation éprouvez-vous lorsque vous jouez devant des dizaines de milliers de personnes ? N'est-ce pas parfois angoissant?
– Non, c'est une sensation très agréable d'être là pour transmettre des émotions, pour donner quelque chose d'autres aux gens que ce qu'ils vivent tous les jours. Et puis, à chaque fois, nous nous transformons, nous jouons un rôle.
[Matt est interrompu par le serveur qui lui amène son thé, dans lequel il presse un citron. Histoire de soigner sa voix.]
– Vous adorez la musique classique. Muse jouera-t-il un jour entouré d'un orchestre symphonique?
– Ce serait compliqué de le faire en live, à moins de le faire dans une petite salle. Mais c'est un projet que j'aimerais réaliser, notamment autour de nouveaux morceaux que j'ai composés, mais aussi d'anciens comme «Hoodoo», qui s'y prêtent bien.
– Si vous deviez choisir entre être le chanteur de Muse ou un pianiste classique de renommée internationale?
– Sans conteste Muse! Je ne suis pas fait pour jouer seul, j'aime partager la musique. Cela serait dangereux, je crois que je deviendrais fou! (Rires.)
– Qu'est-ce qui vous procure le plus de plaisir, le sexe ou la musique?
– C'est impossible à dire! Mais si je devais choisir pour le reste de ma vie, ce serait le sexe. La nature me pousse à choisir les femmes! (Rires.)
– Au niveau musical, quel est pour vous le meilleur siècle?
– Le XIXe. Il y avait alors une forme d'intelligence que l'on a perdue. Il émanait de compositeurs comme Berlioz, Rachmaninov ou Wagner une expression émotionnelle proche du génie.
– Est-ce à dire qu'il n'y a plus eu ensuite de génies?
– A mon sens non; ou des génies «accidentels» comme Jimmy Hendricks, par exemple.
– Quelle est la chose dont vous êtes le plus fier dans votre vie?
– De ne pas avoir eu peur de prendre des risques!
– Qu'est-ce qui vous fait pleurer?
– La musique en général, mais particulièrement les musiques de films. A une époque de ma vie, je pleurais à chaque fois que j'entendais la chanson «Blue Valentine» de Tom Waits. Autrement, tout ce qui fait pleurer en général.
– Que pensez-vous de la nouvelle moustache de Chris (le bassiste)?
– (Il rit.) J'adore! On dirait un acteur porno des années 1970! C'est en fait un clin d'œil à un super bon bassiste que nous adorions quand nous étions jeunes.
– Est-ce toujours facile de vivre en permanence avec Dom et Chris, durant les tournées?
– C'est plus facile maintenant qu'à nos débuts, où nous devions partager la même chambre d'hôtel. Nous gérons aussi mieux notre nervosité et avons plus de plaisir. Nous prenons aussi le temps de faire un peu de tourisme.
Cédric Alber