Une bête conçue pour rendre le foiling accessible

Actualisé

VoileUne bête conçue pour rendre le foiling accessible

Deux champions romands, Yves Detrey et Nils Frei, présentent un voilier révolutionnaire grâce auquel ils espèrent mettre compétiteurs et néophytes sur un pied d'égalité.

Oliver Dufour
La Tour-de-Peilz
par
Oliver Dufour
La Tour-de-Peilz

Est-ce un oiseau? Est-ce un avion? Non! C'est... un bateau volant! Voilà une dizaine d'années qu'un duo de marins chevronnés, vainqueurs notamment de la Coupe de l'America, des Extreme Sailing Series et du circuit D35 avec Alinghi, planchent sur un projet de voilier révolutionnaire, soutenus depuis le début par Isabelle Rinsoz navigatrice vaudoise passionnée.

Voici quelques jours, Yves Detrey (41 ans) et Nils Frei (46), puisque c'est d'eux qu'il s'agit, ont enfin pu réaliser ce rêve en présentant le produit (quasiment) fini. Son nom? Syra by Publiaz, qui associe un mot évoquant un célèbre vin rhodanien à celui du principal sponsor (lire encadré). Conçu pour deux ou trois personnes, il ne pèse que 135 kg et peut aisément se ranger sur une remorque de loisirs.

Si cette embarcation affiche un air familier, elle est en réalité unique, puisqu'il s'agit d'un hybride. Ni monocoque ni véritable multicoque. «Nous, on préfère parler de «foiler», c'est plus simple, lance le Vaudois Detrey à propos de l'engin de 5,5m de long en forme de fer de lance, avec son étrave fermée à l'avant, mais séparée en deux à l'arrière du mât de 9,6m de haut.

Un révolutionnaire foil à bascule

La caractéristique de ce voilier est qu'il repose, dès qu'il a atteint les 8 nœuds (env. 15km/h), sur un foil central et ses deux gouvernails à l'arrière. Pour être plus rapide qu'un voilier traditionnel, le «vol» sur ces appendices profilés en forme d'aile verticale est un passage obligé. La nouveauté, c'est que le foil central est basculant, ce qui permet d'en modifier l'inclinaison latérale durant la navigation. «Nous sommes les premiers à le proposer, relève Yves Detrey. Ça permet de conserver le bateau à plat lors des changements de vent. Et donc sa stabilité et sa vitesse. Par exemple, en cas de rafale, on peut se servir de la poussée du foil davantage vers l'extérieur du bateau, sur le côté vers lequel il gite (ndlr: penche), pour maintenir l'équilibre sans avoir à choquer (relâcher) les voiles pour éviter le chavirage. On modifie en quelque sorte la largeur du bateau, pour le stabiliser sans avoir à le freiner.»

Ni monocoque ni véritable multicoque, le Syra a été conçu pour voler avec beaucoup de stabilité sur le Léman.
Nils Frei (à gauche) et Yves Detrey, deux marins lémaniques au clinquant palmarès, sont à l'origine de ce projet un peu fou de bateau volant.
Grâce à ce petit bateau hybride très maniable, les deux doubles vainqueurs de la Coupe de l'America espèrent séduire un large public.
1 / 7

Ni monocoque ni véritable multicoque, le Syra a été conçu pour voler avec beaucoup de stabilité sur le Léman.

Loris von Siebenthal - Syra by Publiaz

En misant beaucoup sur la sécurité, les deux marins chevronnés espèrent rendre la pratique du foiling accessible à un large éventail de navigateurs désireux de vivre une expérience de vol. Car celle-ci est souvent réservée à l'élite et aux grosses fortunes. «Les gens se disent généralement que le foiling est dangereux et peu accessible. Nous voulons changer ça», glisse le Biennois Frei, qui a déjà beaucoup d'heures de vol à son actif. «On a beaucoup réfléchi à l'aspect sécurité, reprend Detrey. C'est pour ça que le foil ne dépasse pas sur le pont une fois qu'on est sur l'eau. On évite ainsi de se couper avec en cas de chute. On a aussi préféré recouvrir le bateau d'une surface dure avec de la mousse, plutôt que de tendre un filet, pour être à l'aise dans les déplacements. On hésite même à installer un petit dossier pour s'y appuyer et améliorer le confort!»

«Faire le Bol d'or avec»

Pour les deux compères, le Syra doit pouvoir contenter autant ceux qui découvrent une nouvelle façon de naviguer que les compétiteurs. «C'est comme à moto, illustre Yves Detrey. On peut ouvrir la poignée des gaz et aller vite, ou alors rouler plus tranquillement. On n'est pas obligé d'aller à fond avec notre bateau non plus!» Ce qui n'empêche pas le duo de concepteurs de voir un peu plus grand. «C'est clair qu'on espère avoir conçu un prototype de voiliers qui régateront à l'avenir en série», souhaitent les deux marins. On se retrouve ici plutôt loin des origines du projet, puisque Frei et Detrey imaginaient à la base un petit catamaran à foils sans mât, tracté par un «kite», c'est-à-dire un cerf-volant. «Nous réalisons qu'il est encore un peut tôt pour arriver avec ce type d'embarcation sans voile, reconnaissent-ils. Mais ça viendra certainement un jour.»

En attendant, il reste une importe phase de mise au point, qui sera conduite à coups d'essais sur l'eau. Elle permettra d'éprouver tout le gréement et de s'assurer que chaque pièce est à la bonne place et possède les bonnes caractéristiques. «Au cours des deux prochaines années nous allons aussi participer à un maximum de régates, confie Nils Frei. Si les conditions s'y prêtent, on adorerait aussi se lancer sur le Bol d'or avec!»

Le premier projet NTFM: un foiler tracté par un cerf-volant:

Une bouteille a inspiré le choix du nom

«Même si Syra s'écrit sans H, contrairement au cépage, il y a bien une histoire de vin à l'origine du nom du bateau», sourit Yves Detrey, l'un des concepteurs du nouveau «foiler» issu du projet NTFM-SYRA 18. Une bouteille de syrah avait été offerte à une personne parlant hébreux, qui avait indiqué que ce mot pouvait notamment signifier «bateau» ou «déesse» dans sa langue. Ça nous avait paru très en phase avec notre projet», se souvient le marin vaudois.

Quant à NTFM, il s'agit d'un acronyme de «Non ti fermi mai» - ne t'arrête jamais en italien - qui était le nom à l'origine du projet, lorsque le bateau était tracté par un «kite».

Ton opinion