Natation - Bilan suisseLa gueule de bois des nageurs suisses
Aucun record national, seulement trois limites européennes, des nageurs parfois démotivés: les Championnats de Suisse organisés ce week-end à Genève ont donné une image assez triste de la natation helvétique.
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Derrière les chefs de file Meichtry (photo) et Lang, les nageurs suisses peinent à sortir la tête de l'eau.
Ancien coach national et entraîneur à plein temps du Lausanne Natation, François Willen le reconnaît sans détours: «L'ambiance était un peu glauque aux Vernets, il y avait moins d'ambiance et le niveau était plus faible que d'habitude.»
Derrière les chefs de file habituels Dominik Meichtry et Flori Lang, les seuls à avoir décroché des minima pour les Championnats d'Europe de Budapest en août, la relève qui avait fait exploser les chronos ces deux dernières saisons grâce aux combinaisons en polyuréthane a fait deux pas en arrière avec l'interdiction du «plastique magique», remplacé par les bermudas.
En simple cuissard, rares sont ceux à avoir pu approcher les limites européennes, calquées sur le 16e chrono des joutes continentales précédentes. «A Budapest, nos nageurs pourront y aller en Twingo, il ne devrait pas y plus de trois ou quatre qualifiés», prévoit François Willen, minimisant le fait qu'il reste une occasion, début juillet à Vaduz, de réaliser les minima.
Maints nageurs avaient obtenu des sélections un peu facilement par le passé grâce à l'apport du tout-polyuréthane, qui gommait les lacunes techniques en assurant une meilleure portance. «Beaucoup se sont reposés sur leurs lauriers. Aujourd'hui, les pendules sont remises à l'heure, il faut se remettre au travail», commente François Willen. «Soit l'électrochoc produira ses effets, soit une demi-génération sera sacrifiée.»
Signe de la démotivation qui guette certains, Patrizia Humplik, médaillée de bronze sur 200 m brasse aux Européens en petit bassin il y a quinze mois, s'est éloignée des bassins, de même que Carmela Schlegel. D'autres connaissent des problèmes de motivation.
«Trop petits pour réussir»
Coach au Lancy Natation, Benjamin Paris pointe aussi un problème de mentalité: «Certains nageurs pensent que la Suisse est une trop petite nation pour percer en élite. La génération Jaked (ndlr: la marque italienne qui avait lancé les combinasons miracle), élevée dans la facilité, doit se décomplexer», dit-il.
Certains nageurs ont choisi de partir à l'étranger (Jonathan Massacand à Marseille, Benjamin Le Maguet au Québec, Dominik Meichtry aux Etats-Unis...) pour s'aguerrir et viser le top. Un pas que François Willen n'estime pas nécesaire: «La Suisse, grâce à l'apport des cours de natation populaire, compte 45 entraîneurs professionnels. On peut nager très vite en restant ici. D'ailleurs, les expériences de ceux qui sont partis aux Etats-Unis se sont presque toutes soldées par des échecs, à part Flavia Rigamonti et Meichtry, mais celui-ci a toujours connu l'étranger.»
Il reste un espoir pour les nageurs suisses: que leurs rivaux européens et mondiaux aient eux aussi un sérieux coup de blues avec le retour aux bermudas, et que le nivellement par le bas des chronos se généralise, dans des proportions équivalentes à la Suisse.