Cyclisme - Dopage mécanique«L'exploit de Cancellara, je n'y crois pas»
Le journaliste Bertrand Duboux émet de sérieux doutes sur les performances de Fabian Cancellara récemment mis en cause dans une affaire de vélo motorisé.

Si les soupçons planant sur Fabian Cancellara étaient avérés, il s'agirait d'un des plus gros cas de tricherie de l'histoire du sport.
«En voyant Cancellara dans le Tour des Flandres, je suis tombé de ma chaise tellement c'était invraisemblable.» Ces mots sont ceux de Bertrand Duboux, ancien journaliste de la Télévision Suisse Romande – entre 1978 et 2007 – qui connaît le cyclisme comme personne parmi ses semblables. «J'ai suivi Fabian depuis ses débuts en juniors et espoirs. Il avait déjà des aptitudes hors normes. Mais à un moment donné dans sa carrière, sa progression m'a paru anormale», révèle le Vaudois. «Il a commencé à faire des choses qu'on pourrait décrire comme n'étant "pas très catholiques".»
Betrand Duboux fait bien sûr référence à certains faits saillants de la brillante carrière du cycliste bernois. Ce dernier est au centre d'une petite tempête médiatique. Une vidéo circulant ces derniers jours sur la Toile met en effet en cause ses performances lors de ses succès dans le Tour des Flandres et Paris-Roubaix en avril dernier. Le montage met en avant des comportements étranges de «Spartacus», au moment où il place des démarrages qui laissent littéralement sur place ses rivaux. Bénéficierait-il de l'aide d'un moteur dissimulé dans sa monture et actionné par un bouton?
«Quand on attaque, on se relève»
Pour Duboux, il ne fait aucun doute que ces résultats sont entachés de tricherie. «C'est de la science-fiction! Cancellara est un extraterrestre», s'exclame-t-il. «Ses exploits, je n'y crois pas une seule seconde, c'est impossible.» L'ancien commentateur ne décolère pas. Il évoque le Tour de Flandres, dont il a dernièrement vu les images en différé. «Placer une telle accélération à ce moment sans lever ses fesses, c'est impossible. A cet endroit, le Mur de Grammont a une pente de 18 pour cent. Et son contradicteur Tom Boonen est à bloc, debout en danseuse!», poursuit Duboux. «Boonen a très bien préparé ces classiques et les a déjà gagnées. Il ne peut y avoir une telle différence de niveau entre les deux coureurs. On dirait vraiment que le Suisse décolle à l'aide d'une poignée de gaz.»
L'actuel chef de presse du Tour du Pays de Vaud confie qu'il avait déjà par le passé eu de gros soupçons à l'encontre du champion olympique de Pékin. «En 2007, dans le prologue du Tour de France à Londres, Cancellara a mis 13 secondes à son dauphin sur ce contre-la-montre de 8 kilomètres. C'est complètement fou! Et quand je le vois suivre les meilleurs grimpeurs dans la montagne, un terrain qui n'est pas le sien, je ne me pose même plus de questions. Cela apporte de l'eau à mon moulin», lance-t-il dépité.
Pascal Richard a vu juste
L'homme s'étonne par ailleurs que personne n'ait relevé ces performances qu'il juge humainement inexécutables. «Le premier à noter quelque chose après les dernières courses a été [l'ancien coureur] Pascal Richard. En constatant les accélérations de Fabian, il a dit: "C'est comme s'il avait un moteur dans le pédalier." Il ne doit pas être bien loin de la vérité.»
Autres incohérences constatées, les changements de monture opérés en cours de route par le rouleur lors de ses dernières victoires, que vous pouvez voir dans la vidéo ci-dessous. «Pourquoi diable changer de vélo à ces moments stratégiques?», questionne l'ancien journaliste inquisiteur. «Il n'y a pas eu de chute, de crevaison ou de changement de terrain pour le justifier.» Duboux n'est pas non plus surpris que l'équipe de Cancellara (Saxo Bank) soit en cause. «Elle est dirigée par un voyou déguisé en cycliste. Bjarne Riis (ndlr: vainqueur du Tour de France en 1996, puis destitué pour dopage) est un tricheur, un salopard de première. Cela ne serait pas étonnant qu'il soit impliqué dans une telle tricherie.»
Par sa position, Bertrand Duboux affirme qu'il ne cherche pas à nier les spectaculaires qualités physiques du coureur bernois. «Bien sûr qu'il fait partie des meilleurs. Et je ne veux pas l'accuser sans preuves, mais il se passe de drôles de choses. On assiste peut-être à une nouvelle forme de cyclisme. C'est en tout cas très astucieux. En plus il n'y a aucun contrôle de l'équipement, sauf en contre-la-montre (ndlr: où le poids et certains critères précis sont vérifiés). Si l'UCI* n'empoigne pas le problème en contrôlant systématiquement les vélos à la fin de chaque course, on va droit dans le mur.»
*Union Cyliste Internationale
La vidéo qui met en cause Cancellara
Le système de pédalage assisté
Vidéo: Gruber Assist
La vidéo des changements de vélo effectués par Cancellara

Données boiteuses
Une vidéo postée sur Youtube montre un représentant de la marque Specialized - dont les cycles équipent Fabian Cancellara - exposant le vélo avec lequel le Bernois vient de remporter le dernier Tour des Flandres. Détail particulier, son compteur affiche un temps de course total de 6h 22'03'' (ndlr: le temps officiel de «Spartacus» sur cette course est archivé en 6h 25'56''). Or, le Suisse a changé de vélo à une centaine de kilomètres de l'arrivée. Son équipe a-t-elle donc déplacé le compteur au moment-même du remplacement de la monture? Selon Bertand Duboux, ce n'est en tout cas pas une pratique courante. «Peut-être ont-ils continué à faire tourner les roues du premier vélo dans la voiture», ironise-t-il.