Lichtsteiner, histoire d'une teigne attachante

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Entre une caresse et une baffe, entre un mot tendre et une insulte, les envies contradictoires se bousculent souvent chez les personnes qui croisent «en vrai» ou via leur écran Stephan Lichtsteiner.

Le finaliste de la Ligue des champions (31 ans), aussi horripilant qu'il puisse être parfois, finit toujours par séduire.

Le finaliste de la Ligue des champions (31 ans), aussi horripilant qu'il puisse être parfois, finit toujours par séduire.

Débarqué à la Juventus durant l'été 2011, Lichtsteiner a conquis le peuple bianconero dès les premiers instants. Yeux verts, visage de gamin bien éduqué, l'ancien latéral droit de GC, Lille et de la Lazio Rome n'a toutefois rien d'un enfant de choeur. Son regard dur trahit d'ailleurs le feu qui brûle en lui, le sale gosse criseux qui n'acceptera jamais de recevoir le dernier coup de pied sans en distribuer un en représailles. Même si c'est lui qui a commencé...

Stephan Lichtsteiner, ancienne pousse du club de son patelin, le FC Adligenswil, puis du FC Lucerne dont il intègre les juniors C en 1996, naît au haut niveau aux Grasshoppers, qu'il rejoint à 16 ans. Deux ans plus tard, le fougueux et rugueux défenseur effectue ses débuts en Super League, lancé dans le grand bain par Marcel Koller à la Maladière contre Xamax.

Roi de... l'Alpe d'Huez

Un peu à l'instar de celui qui allait bientôt régner sur le flanc gauche de l'équipe de Suisse, Ludovic Magnin, Lichtsteiner n'est pas un artiste balle au pied. Ses lacunes techniques, le Lucernois les compense, parvient même à les faire oublier, par son engagement de tous les instants, sa hargne, sa grinta, son incessante activité.

La teigne tape alors dans l'oeil de Claude Puel qui le fait venir à Lille en 2005. Très vite, Lichtsteiner la tête brûlée connaît quelques soucis de communication avec Puel la tête dure. Le latéral apprend, studieusement, ce que peut être le professionnalisme dans un championnat plus exposé que la Super League. Il impressionne par ses facultés athlétiques, comme quand il remporte contre ses collègues du LOSC une étape... cycliste avec pour cadre l'Alpe d'Huez: 21 lacets, 1110 mètres de dénivelé, 1h07 d'effort pour une victoire en solitaire après une attaque à trois virages du but. Et il achève de s'imposer dans le couloir des Dogues à sa troisième saison dans le Nord, s'ouvrant ainsi les portes de la Serie A et de Rome.

La recrue de Conte

Dans la capitale, où il succède au poste à un certain Valon Behrami, le Lucernois franchit encore une étape dans son développement. Comme à Lille, il restera à la Lazio pendant trois saisons qui ne l'ont jamais vu être mis en danger par la concurrence interne. Magnifique d'abnégation, le défenseur est un des tout premiers transferts du nouvel entraîneur de la Juventus, Antonio Conte.

Dans le Piémont, le garnement augmente encore son volume de jeu, soigne autant que possible ses maux techniques mais, surtout, change de dimension. Désormais membre d'un monstre sacré dans la Botte mais aussi à travers le monde, l'international fait son entrée dans une nouvelle caste. Pas celle des superstars, réservée aux cadors, mais celle des excellents joueurs, ceux qui comptent, ceux dont le nom circule bien au-delà des frontières.

Une ascension maîtrisée, menée à une allure certes moins folle que celle qui caractérise les déboulés du latéral dans son couloir, mais dont la constance ne peut que forcer l'admiration. Ascension du joueur, mais aussi ascension de l'homme, un amateur de lecture refusant de rester enfermé dans la bulle footballistique. Ambassadeur de Solidarmed, une organisation humanitaire, il avait passé une partie de ses vacances de l'été 2009 dans des villages miséreux du Mozambique et en était revenu «avec des cicatrices dans la tête et dans le coeur», confiait-il à Sportinformation à l'époque. «Nous avons l'habitude de nous plaindre dès que quelque chose ne marche pas immédiatement. Ce voyage m'a apporté la confirmation qu'il fallait toujours essayer de positiver et la certitude qu'un changement dans notre mentalité est nécessaire.»

Sortie de route idenditaire

Alors oui, parfois le sale gosse reprend le dessus. Lors d'une altercation avec un arbitre, avec un adversaire, lors d'un petit coup vicieux filé en douce et assaisonné de quelques paroles peu amènes. Ou encore lorsque, dernièrement, il a alimenté en oxygène un incendie qui couvait dans le vestiaire de l'équipe nationale. Lui, avec son minois et ses bouclettes, lui qui aurait pu incarner à l'écran Peter, l'ami chevrier de Heidi, lui donc qui brise le tabou en dévoilant son malaise face à ce qu'il considère comme étant une perte d'identité de l'équipe de Suisse. Lutte de pouvoir entre bergers schwytzois et secondos citadins.

Peut-être en avait-il trop gros sur la patate. Peut-être aussi est-il trop entier pour taire son ressenti. Comme quand il joue, Lichtsteiner ne sait pas feindre l'engagement. Une prise d'appui, un démarrage et une longue chevauchée jusqu'au bout. Du terrain et de lui-même.

Alors une chose est sûre: le 6 juin à Berlin, Stephan Lichtsteiner ne fera pas semblant. Contrairement à Ciriaco Sforza (Bayern/2001), Philippe Senderos (Arsenal/2006) et Xherdan Shaqiri (Bayern/2013), le Lucernois ne restera pas sur le banc de la Juve en finale de la Ligue des champions contre Barcelone. Et donnera tout ce qu'il a en lui pour atteindre le nirvana, 18 ans après Stéphane Chapuisat (Dortmund). (ats)

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