GenèveTricheurs sur les chantiers plus lourdement punis
Canton, patronat et syndicats veulent durcir la loi: les entreprises pincées pour travail au noir verraient leur chantier arrêté immédiatement.
Les partenaires sociaux ont tapé du poing sur la table à l’unisson, mercredi. L’arsenal actuel ne suffit plus pour lutter contre le fléau du travail au noir, dans le secteur de la construction. Dès lors, il faut frapper plus durement les entreprises qui sous-paient leurs ouvriers, ne versent pas leurs cotisations sociales ou bafouent le cadre légal élémentaire. Le Canton, le patronat et les syndicats entendent modifier la Loi sur l’inspection et les relations du travail. Si le Grand Conseil donne son aval, les chantiers des «fraudeurs et des tricheurs» seront immédiatement suspendus dès que des abus graves seront constatés.
«On veut agir vite et de manière dissuasive, a résumé la conseillère d’Etat Fabienne Fischer, chargée de l’Économie. Le travail au noir, c’est l’exploitation du personnel, une concurrence déloyale pour les entreprises sérieuses et un trou pour les assurances sociales.»
Travaux arrêtés trois jours… ou plus
Déjà en vigueur sur les marchés publics, la mesure s’appliquera aussi au domaine privé – une première en Suisse, selon les auteurs du projet. L’arrêt de chantier sera de trois jours. Pour les contrevenants, un retard pareil peut notamment engendrer de lourdes pertes financières. La suspension sera prolongée si l’employeur fautif n’obtempère pas et la police interviendra. Une fermeture définitive du chantier n’est pas exclue.
Secrétaire général de la Fédération genevoise des métiers du bâtiment (FMB), Nicolas Rufener se dit ravi. La mesure permettra de «respecter une saine concurrence». Pour le responsable, «on ne peut plus laisser traîner les choses en attendant de régler la situation devant un tribunal, par exemple. Il faut dire stop tout de suite!» Et ce, grâce notamment à de nouvelles compétences octroyées aux inspections et commissions paritaires: elles pourront sanctionner, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Arme contre la sous-traitance abusive
«Les mailles du filet se resserrent sur cette gangrène qu’est le travail au noir dans la construction, notamment dans le ferraillage ou encore la peinture, s’est félicité Thierry Horner, du syndicat SIT. Cela va aussi responsabiliser les entreprises principales, car elles devront faire plus attention à qui elles octroient des travaux. La sous-traitance abusive est une plaie.»
Ces «infractions crasses» n’existent pas seulement au détour des échafaudages. D’autres secteurs sont régulièrement touchés: celui du déménagement, de l’hôtellerie-restauration et de l’économie domestique, par exemple. Fabienne Fischer l’assure: «Des réflexions sont en cours pour préparer de nouvelles mesures de lutte dans ces domaines-là.»
L’ampleur des dégâts reste inconnue
L’Etat ne dispose pas de chiffres sur le nombre de chantiers concernés par le travail au noir. «Mais si l’on se focalise uniquement sur le domaine du ferraillage, on recense une dizaine de cas problématiques tous les mois, illustre le Sit. Et là, on parle juste d’un secteur de 350 personnes, sur environ 5000 ouvriers du gros œuvre. C’est énorme!» Syndicats et patronat estiment de concert que les situations abusives sont nombreuses et régulières. Ils pensent aussi que l’arrêt d’un chantier risque peu de péjorer les ouvriers concernés. Ils seront informés de leur droits et soutenus par les syndicats. Enfin, quid d’une entreprise qui s’avèrerait finalement en règle? La décision de suspendre un chantier ne se prendra pas à la légère pour une broutille, ont martelé les partenaires sociaux: «Le risque d’erreur sera donc minime». L‘Etat a cependant rappelé qu’in fine, il lui incombera d’assumer une responsabilité civile, le cas échéant.