GenèveQuelle taille des talons, morphologie en Y ou H? Conseils de l’ORP malvenus
Une bénéficiaire du chômage fustige le contenu d’une formation obligatoire traitant de la tenue adaptée pour un entretien d’embauche. Une spécialiste estime que la pratique est assez datée.
«Faut-il vraiment que je me mette en sous-vêtements devant mon miroir pour une mesure du chômage?» s’étonne Lucie*, 26 ans, récemment inscrite à l’ORP de Genève. Cette question étrange s’est posée alors que sa formation initiale, au point «Valoriser mon image», lui demandait de définir son type de morphologie (en H, en Y, en A…), afin de mieux lui conseiller des tenues pour un entretien d’embauche.
«J’ai ri jaune face à ces conseils du niveau de Cristina Cordula, réagit la jeune Genevoise. Et ce n’est de loin pas le seul truc absurde dans ce module.» Elle cite notamment un quiz destiné à trouver la gamme de couleurs qui va le mieux au teint, ou un tableau extrêmement détaillé classant par taille la largeur des bijoux ou le type de vêtements à porter, y compris la bonne hauteur de talons ou l’aspect moulant ou non, pour ne pas «tasser la silhouette» ou paraître «trop grande». «À ce stade, j’ai arrêté la formation. Mais je dois la faire pour ne pas avoir de pénalités. J’en parlerai avec ma conseillère», conclut Lucie.
Module non discriminant conçu avec des spécialistes
«Ce module existe depuis 2019 à l’entière satisfaction de la très large majorité des personnes qui l’ont choisi», répond Fabrice Schoch, directeur de l’Office cantonal de l’emploi (OCE). Il précise que cet élément bonus du module est en réalité facultatif. «Il a été conçu avec des spécialistes en image, qui travaillent également avec le Canton de Vaud.»
Sur ce point, des bénéficiaires vaudois du chômage nous ont précisé que, si des conseils vestimentaires étaient effectivement dispensés dans leurs formations, «c’était beaucoup moins poussé que ça. Là, c’est choquant!» confie une Vaudoise.
L’OCE relève également que ce contenu a été jugé non discriminatoire en termes de genre par le Bureau de l’égalité, compte tenu de la symétrie de la structure du module pour les hommes et les femmes. Pour Lucie, là n’est pas vraiment la question, mais davantage la rigidité de tels conseils pour se mettre en valeur physiquement selon une norme établie. «Je suis grande, je n’aurais donc pas le droit de porter des talons hauts si je veux être acceptable pour un entretien d’embauche?» demande-t-elle.
Une boîte à outils mal présentée
Ces conseils sont bien conformes à la pratique générale, mais présentés d’une façon un peu datée, nuance Sandra Pérez, conseillère en image. «Il faudrait les concevoir comme une boîte à outils plutôt que comme des règles. Le risque, c’est que quelqu’un qui manque d’assurance les applique à la lettre et vienne «déguisé» à un entretien; il ne serait donc pas à l’aise et ne pourrait pas se concentrer sur l’essentiel. J’ai, par exemple, reçu lors d’une formation un homme qui s’imposait de porter un costard pour les entretiens, mais n’en possédait qu’un, trop grand, car il détestait ça. Dans ce cas, inutile de s’imposer un carcan qui ne nous représente pas: cela ne marchera pas sur le recruteur.»
Si une apparence soignée est importante pour décrocher un emploi, Sandra Pérez rappelle aussi que les tenues acceptables varient selon le poste et l’entreprise visée, incluant de plus en plus les baskets ou le jean. Et d’ajouter qu’une touche d’audace peut parfois être un avantage pour se démarquer.
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