GenèveDes prisonniers redonnent vie à de vieux meubles
Une vingtaine de détenus retapent des objets qui sont ensuite vendus dans une boutique du Centre social protestant. Les premières pièces ont été exposées lundi.
Une malle transformée en table basse, un vélo en horloge murale ou encore des snowboards en banc. Voilà quelques exemples d’objets métamorphosés en prison. Depuis lundi, ces pièces sont en vente à la boutique Renfile du Centre social protestant (CSP), à Plan-les-Ouates (GE). Cette seconde jeunesse a été rendue possible grâce à un «partenariat novateur» et «peu banal» entre le CSP et l’Office cantonal de la détention (OCD). Une collaboration lancée cette année sous le nom «Cellules grises». Si ce jeu de mots a questionné au départ, il illustre bien «l’intelligence qui s’est développée à travers cette initiative», confie Alain Boll, directeur du CSP. «Ce projet a fait rentrer la créativité dans nos prisons. Pour les détenus, c’est très valorisant de savoir que leurs créations seront vendues à l’extérieur», confie Raoul Schrumpf, directeur stratégique de l’OCD.
«Tout le monde est gagnant»
Concrètement, tout est basé sur le troc. «Il n’y aucun échange monétaire, détaille le responsable. Le CSP nous livre les meubles vétustes, qui sont ensuite transformés par les détenus dans le cadre des ateliers de réinsertion. Puis, nous les renvoyons à la brocante, où ils sont vendus à un prix qui se veut abordable.» Le CSP, qui s’engage depuis 2009 pour la réinsertion professionnelle, garde les bénéfices tirés de la vente, mais en échange, «il a fait don de livres et de jeux aux établissements pénitentiaires genevois. Nous avons également reçu des vêtements destinés aux détenus». Dans cette affaire, «tout le monde est gagnant.»
Un moyen d’évasion pour les détenus
«Les détenus ont accueilli le projet à bras ouverts, raconte Franck, maître d’atelier menuiserie à Champ Dollon. Pour eux, c’est un moyen d’évasion vers le monde extérieur. La plupart des réalisations sont tirées de leur imagination. Ils sont maîtres du projet.»
Alain Boll se réjouit de voir l’accueil que les clients vont réserver aux meubles retapés. Car pas question de cacher leur provenance. Bien au contraire, un espace leur est spécialement dédié dans les 2200 m² du magasin qui a ouvert en août 2021. Pour illustrer «cette idée lumineuse», toutes les pièces seront estampillées d’un logo à l’effigie d’une ampoule dont le pourtour n’est pas achevé, «symbolisant le jour de la sortie des détenus».
Aide à la réinsertion
Une manière de rappeler l’enjeu de cette démarche. «Cela leur permet de se projeter hors des murs de la prison, avec une estime de soi renforcée par le fait d’avoir créé quelque chose», s’est réjoui Mauro Poggia, conseiller d’Etat à la tête de la Sécurité. «Pour beaucoup, sortir de prison est synonyme de grandes difficultés. L’objectif est que les compétences acquises dans le cadre des ateliers favorisent leur réinsertion une fois dehors», ajoute le directeur du CSP.
Contribuer à l’économie circulaire
Par le passé, le CSP générait jusqu’à 700 tonnes de déchets par année, car «certains produits récupérés chez des particuliers étaient en trop mauvais état pour être revendus, confie le directeur. Aujourd’hui ce n’est plus le cas, notamment grâce à la pratique du «upcycling», qui consiste à donner une seconde vie aux objets.» Ainsi, grâce au travail d’une vingtaine de détenus de Champ Dollon et de la Brenaz, plusieurs dizaines de meubles vont pouvoir être réutilisés. Autre point positif du projet: «il participe à l’économie circulaire à laquelle nous sommes très attachés», a relevé Mauro Poggia.