Cannabis et cocaïneDans les Alpes françaises, la drogue aussi monte en station
Les gendarmes mènent régulièrement des opérations de contrôle en haut des pistes. Touristes et saisonniers consomment cannabis et cocaïne.

Certains skieurs se font attraper par les gendarmes. (Photo d'illustration)
AFP«Je me suis fait avoir, c’est le jeu», admet un skieur tout juste contrôlé par des gendarmes avec un joint de cannabis, en sortant éméché d’un bar en haut des pistes de Val Thorens, dans les Alpes françaises. Comme dans toute la région, deux types de consommateurs de drogues coexistent dans cette station savoyarde: les touristes et les travailleurs saisonniers, unis dans leur envie de faire la fête.
Pour freiner leur consommation, les gendarmes mènent régulièrement des opérations de contrôle en haut des pistes, accompagnés de chiens cynophiles. En ce jour de mars, l’adjudante Lucie Tourezan travaille avec la chienne Olympe, qui renifle les skieurs. «S’il y a quelque chose qui l’intéresse, elle marque, c’est-à-dire qu’elle va s’asseoir», explique-t-elle.
Usage «décomplexé» de la part des touristes
En un après-midi, trois personnes ont été mises à l’amende, ce «qui reste dans les standards», d’après le major Frédéric Gentil en charge des opérations. Selon lui, sur les pistes, on retrouve en majorité du cannabis, sous la forme d’herbe ou de résine, mais aussi de la cocaïne.
Lors d’un festival, début janvier, «des groupes de tour-opérateurs anglais venus avec leurs dealers consommaient directement sur des clés de voiture» décrit-il, évoquant un usage plus «décomplexé» de la part des touristes. Mais ils ne sont pas les seuls consommateurs. «Pour preuve», souligne le major, «quand on fait des dossiers stupéfiants, il y a deux tarifs différents, un tarif pour les saisonniers, plus alléchant, et un tarif pour les touristes». L’an dernier, le gramme de cocaïne coûtait 70 euros pour les premiers, 100 pour les seconds.
Un ou deux dealers fournit toute la station
Zaini Lahrache, 22 ans, saisonnier originaire d’Avignon (sud), confirme: «Ça arrive quand même assez fréquemment qu’il y ait des gens qui consomment de la cocaïne. Après, je vais dire que ce n’est pas autant répandu que le cannabis». «Quand on est en saison, le mot tourne vite» et un ou deux dealers fournit toute la station, ajoute le jeune homme qui avoue consommer de temps en temps du cannabis.
Au-delà des contrôles inopinés, les forces de l’ordre mènent des opérations ciblées contre ces vendeurs. En février, un dealer a ainsi été arrêté à Chamonix et a été condamné à huit mois d’emprisonnement ferme.
Saisonniers vulnérables
Les trafiquants ciblent le public saisonnier parce qu’il présente «une somme de vulnérabilités qui va le rendre plus fragile», explique Camille Fauchet, 37 ans, chef de service dans un centre de soins d’accompagnement et de prévention à l’addictologie (CSAPA) à Annecy. Parmi ces facteurs: la précarité des contrats, l’intensité du travail, les difficultés liées au logement, l’environnement festif et l’isolement géographique.
Cela fait écho à l’explosion de la consommation de drogue en France. Selon le dernier rapport de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), 1,1 million de personnes déclarent avoir consommé de la cocaïne au moins une fois en 2023, soit deux fois plus qu’en 2021.
Et les travailleurs, notamment dans le domaine de la restauration, sont particulièrement concernés. Ils en consomment «pour supporter des cadences intensives», expliquait récemment à l’AFP Ivana Obradovic, directrice adjointe de l’OFDT.
Ambiance festive
Autre difficulté dans les stations de ski, l’accès aux soins qui reste compliqué, puisqu’elles se situent en moyenne à «1h30 de route» des premiers CSAPA et les médecins en altitude «sont prisonniers de la traumatologie». «Pour quelqu’un qui va vouloir amorcer des soins, c’est-à-dire honorer un minimum de rendez-vous par semaine, c’est compliqué», souligne Camille Fauchet.
«Dans nos stations, où le milieu est un peu festif, c’est sûr que ça existe» déplore Claude Jay, maire des Bellevilles, dont dépend la station de Val Thorens. Pour tenter de juguler le phénomène, la municipalité a mis en place une «Maison des saisonniers» avec des actions de sensibilisation menées par des associations ou des entreprises, cherche à améliorer leurs conditions de logement et à stabiliser leurs contrats.
Grâce à ces efforts, «certains s’installent et sortent de l’ambiance festive», se satisfait le maire. Les saisons peuvent, d’ailleurs, fournir l’occasion de se sevrer, souligne Camille Fauchet. Selon elle, certains utilisateurs «ont trouvé un autre rythme, en coupant avec un milieu» qui les freinait.