«Ce manque de concurrence est contraire à la démocratie»

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Fribourg«Ce manque de concurrence est contraire à la démocratie»

Dans de très nombreuses communes, il y a juste assez de candidats pour siéger à l’Exécutif, voire moins parfois. Le professeur Mark Schelker propose de professionnaliser la fonction.

Les élections communales fribourgeoises auront lieu le 7 mars. Dans la majorité des communes, en particulier les petites, elles seront plus ou moins tacites (lire encadré), car il y a tout juste assez de candidats pour l’Exécutif et la constitution des assemblées législatives ne passe pas par une élection. De plus, il n’y a souvent qu’une seule liste, composée majoritairement d’élus sortants qui se présentent davantage par défaut que par réelle conviction.

«Ce manque de concurrence et de choix est un grand problème. C’est contraire aux principes de la démocratie, déplore le Dr Mark Schelker, professeur d’économie politique à l’Université de Fribourg. Si cela n’arrivait que ponctuellement, on pourrait faire avec. Mais c’est systématique. Une réforme est nécessaire.» Pour lui, deux leviers devraient être activés: mieux rémunérer les conseillers communaux et abolir l’obligation de résider dans la commune. «En ville de Fribourg par exemple, il y a de nombreuses personnes compétentes. Mais les places sont rares. Pourquoi ne pourraient-elles pas apporter leur expertise ailleurs, sans devoir déménager?» interroge le professeur.

En faire son job à 100%?

Il estime aussi que la démarche pourrait aller plus loin. «En Allemagne, on autorise les conseillers à cumuler plusieurs mandats. Au final, ça devient un job à 100%. Il devrait même être possible de faire carrière dans la politique communale, comme dans le privé. Lorsqu’une personne a fait ses preuves dans une petite commune, elle pourrait ensuite tenter sa chance dans une autre, plus grande.» Mark Schelker trouve aussi particulièrement intéressant le cas de Dominique Butty. Récemment démis de ses fonctions de syndic de Romont, il n’a pas hésité à se présenter dans sa nouvelle commune. «Il a de l’expérience et un bon réseau. Il a raison de vouloir les mettre à profit de Vuisternens-devant-Romont.»

Les fusions ne sont pas la solution

À l’heure actuelle, la solution privilégiée est plutôt celle de la fusion de communes, ce qui permet de réduire le nombre d’élus communaux. C’est le cas notamment d’Estavayer, du Gibloux ou de Prez, autant de nouvelles communes qui vivront leur première élection. Mais c’est une fausse bonne idée, selon Mark Schelker. «Fusionner est un processus lourd, qui n’est pas sans conséquence. Il entraîne un éloignement des services, une perte d’identité et des déséquilibres entre les petites et les grandes localités. Tout ça pour quoi? Sur le plan financier, on ne fait pas de grandes économies et, sur le nombre de candidats, on voit qu’à moyen terme, les problèmes sont les mêmes.»

À noter que le canton de Fribourg n’est pas le seul à souffrir de ce manque de vocations. D’autres cantons romands rencontrent des situations similaires. Sur Vaud, par exemple, huit communes (sur 309) ont moins de candidats que de sièges à la Municipalité.

Tous les citoyens sont candidats

Formellement, dans le canton de Fribourg, il ne peut y avoir d’élection tacite au sens strict du terme. Lorsqu’il n’y a pas assez, ou juste assez, de candidats, tous les citoyens de la commune peuvent potentiellement être élus. «Dans ce cas de figure, vous pouvez voter pour n’importe qui. La seule condition, c’est d’avoir au moins une voix et de ne pas refuser l’élection. On ne peut pas forcer quelqu’un à faire partie du Conseil communal. Bien sûr, les candidats officiels dont le nom figure sur les listes électorales sont clairement avantagés, en termes de visibilité», explique Samuel Russier, secrétaire général de la Direction des institutions, de l’agriculture et des forêts, En revanche, dès qu’il y plus de candidats que de sièges à pourvoir, on ne peut voter que pour l’un d’eux.

Le Conseil général, un premier pas

Samuel Russier observe que les communes, même petites, qui se sont dotées d’un Conseil général (organe délibératif élu) ne souffrent pas autant de ce manque de candidats. «Être élu au Conseil général, c’est souvent un premier pas pour ensuite devenir conseiller communal. Cela permet de se familiariser avec le fonctionnement de la politique communale, de participer à des commissions et de connaître les dossiers. De plus, cela va normalement de pair avec l’apparition de listes partisanes. Et les partis ont davantage de force de frappe pour recruter des candidats que les listes du type Entente communale», estime-t-il.

Ceux qui sont en lice ont de 19 à 76 ans

Le plus jeune candidat pour un siège dans un Conseil communal est Corentin Frésard, de Belfaux, né en 2002. Les plus âgés sont Christiane Ubertini, de Granges, et Jacques Bonfils, du Val-de-Charmey, tous deux nés en 1945. L’âge moyen des candidats est de 48 ans. La proportion de candidates, par rapport aux messieurs, continue de progresser lentement, mais demeure bien loin de la parité. «D’après nos calculs, nous avons 29,4% de candidates pour les conseils communaux (25,6% en 2011 et 27,8% en 2016), et 33,7% pour les conseils généraux», détaille Samuel Russier.

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