Genève«Cette réforme de l’État met en danger les écoles privées!»
L‘âge de la scolarisation des élèves pourrait être revu à la hausse dans le secteur privé. Une menace, selon les professionnels.

13,5% des élèves du canton sont scolarisés dans un établissement privé, soit près de 13’500 enfants.
AFP«Le fonctionnement des écoles privées est en danger!» Mercredi, l’Association genevoise des écoles privées (AGEP) a tiré la sonnette d’alarme. Au cœur de ses préoccupations: la réforme du règlement relatif à l’enseignement privé récemment mise en consultation par le Département de l’instruction publique (DIP). Celui-ci prévoit notamment de changer la date de début de scolarité des enfants.
Actuellement, tous les bambins qui sont dans leur troisième année peuvent commencer l’école. Avec la refonte, seuls ceux qui auront trois ans avant le 31 juillet pourront être admis. Les autres devront attendre l’année suivante. Une manière d’harmoniser le système privé et public, estime le DIP.
Élèves et profs sur le carreau
Une aberration, selon l’AGEP, qui rassemble 48 établissements privés. «Beaucoup de nos cursus (filière française ou allemande notamment) nécessitent une scolarisation à l’âge de 3 ans. Sans ça, impossible de suivre les programmes», explique Monique Roiné, membre du comité.
«Que vont devenir les enfants qui ne pourront pas être scolarisés? Des centaines seraient laissés sur le carreau. «Les parents devront trouver une solution de garde, dans un canton où il manque déjà 3000 places de crèche.» Sans compter «le coût considérable», plus de 7 millions de francs, que cela engendrerait pour le Canton.
Enfin, «cela causerait la fermeture de classes sous-dotées en effectif, et par conséquent des pertes d’emplois parmi le personnel».
Une simple mise en conformité
«Cette réforme est une menace pour le système scolaire privé et n’apporte aucune plus-value pédagogique», conclut le président de l’AGEP, Sean Power.
Faux! assure le DIP. «En aucun cas ce nouveau règlement ne menace ni ne fragilise la diversité des écoles privées. Bien au contraire, il vise à mieux tenir compte de cette diversité, tout en assurant la mission de surveillance des écoles dévolue à l’État.» Et de rappeler que le texte date des années 1960 et n’a pas évolué depuis.
Il s’agit simplement d’une mise en conformité avec le concordat HarmoS, entré en vigueur en 2010 dans le secteur public. Pour Sean Power, l’argument ne tient pas. «Les écoles privées ne sont pas soumises à ce système. Ça ne fait aucun sens de vouloir l’appliquer.»
Refonte menée en catimini
«Le DIP tente un passage en force. Il nous met devant le fait accompli sans qu’il n’y ait eu de discussion en amont», dénonce l’AGEP, qui pointe du doigt une «ingérence sans précédent» et envisage de saisir la justice. En effet, pour Me Nicolas Jeandin, avocat de l’AGEP, «la tentative du Département de modifier le règlement est une violation du principe de séparation des pouvoirs. Le Conseil d’État est un organe exécutif. Il applique les lois et les règlements, en aucun cas il n’a les compétences pour les changer.»
Hasard du calendrier, d’ici à la fin de la semaine, un projet de loi déposé mi-février devrait être voté en urgence au Grand Conseil. Objectif: permettre aux écoles privées d’accueillir les enfants qui sont dans leur troisième année (comme c’est actuellement le cas) et, ainsi, de contrecarrer les plans du Conseil d’État.
«Cette modification n’est que la pointe visible de l’iceberg. Le DIP veut avoir la mainmise sur notre fonctionnement, souligne Sean Power. Le projet prévoit que nous soumettions à l’État la ratification des membres de la direction, la gestion des locaux, mais aussi l’alignement des qualifications des enseignants avec le secteur public. Or, une fois encore, les exigences ne sont pas les mêmes.»
De son côté, le DIP précise que le processus de consultation est toujours en cours et que l’AGEP a refusé à deux reprises une invitation à discuter. «C’était tout simplement impossible de réunir tous nos membres, d’étudier la réforme et de leur donner notre position dans le délai imparti», justifie Sean Power.
Ambiance «plus sereine» dans le canton de Vaud
Dans le canton de Vaud, l’âge de scolarisation des enfants dans les écoles privées, qui accueillent 16’000 élèves, se calque sur celui du public, soit 4 ans. Mais Daniel Hammer, secrétaire général de l’Association vaudoise des écoles privées, comprend la réaction de ses homologues. Selon lui, la réforme genevoise «est clairement une attaque contre le système privé». Si une révision est aussi en cours chez les Vaudois, le responsable l’assure: «Ici, c’est beaucoup plus serein. Nous avons un vrai dialogue.»