Champ-Dollon déborde, les gardiens craquent

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GenèveChamp-Dollon déborde, les gardiens craquent

Quelque 170 matons travaillant à Champ-Dollon ont manifesté ce lundi matin devant les grilles de l'établissement. Excédés par la surpopulation carcérale, ils réclament plus de personnel.

Jérôme Faas
par
Jérôme Faas
Christian Antonietti, président de l'UPCP, devant la Brénaz, où se sont déplacés les gardiens de Champ-Dollon.

Christian Antonietti, président de l'UPCP, devant la Brénaz, où se sont déplacés les gardiens de Champ-Dollon.

«Nous sommes trois pour 80 à 100 détenus lors des repas; et cinq pour 100 à 150 détenus durant les promenades. Le rapport de force ne nous permet pas de faire face.» Comme 170 de ses collègues, ce gardien est venu manifester son ras-le-bol ce lundi matin devant l'entrée de la prison de Champ-Dollon. L'établissement compte 370 places. Or, plus de 800 individus y sont incarcérés. «Stop aux abus et aux conditions de travail inacceptables», tonne Christian Antonietti, président de l'UPCP, le syndicat policier.

Les gardiens ont peur

Derrière les murs, la situation est tendue. «Les gardiens ont la peur au ventre. Les détenus prennent leurs aises, les incivilités se multiplient; cette nuit encore, un gardien s'est fait cracher au visage», relate Christian Antonietti. Les accrochages entre prisonniers se multiplient de même. «Des incidents, on en a tous les jours, confirme le maton. On est obligé de mixer dans la même cellule des populations qui ne s'entendent pas, comme par exemple les Nord-Africains et les gens des Balkans.»

Les détenus ont peur

«Cette nuit encore, poursuit-il, un détenu m'a dit qu'il avait peur, qu'un de ses codétenus avait une lame, qu'il était agité. Je le comprends, mais on ne peut rien faire, hormis faire des rondes régulières. On ne peut rien faire. Les conditions de détention ne sont pas décentes. La population est satisfaite que l'on incarcère. C'est peut-être bien fait pour eux. Mais si c'était l'un de mes proches ou l'un des vôtres?»

Assouplir l'application des peines, une solution?

L'UPCP réclame «soit plus de monde, soit plus de places», bien consciente qu'il y a un hic: le monde dépend du budget, que le Parlement n'a toujours pas voté; et les places sont soumises au rythme de construction des bâtiments planifiés. «L'emprisonnement à tout-va n'est peut-être pas une solution, avance Christian Antonietti. Le service d'application des peines pourrait mieux réguler les flux, échelonner les peines. Des travaux d'intérêt général obligatoires pourraient aussi aider, mais pour cela, il faudrait changer la loi. Il faut se rendre compte qu'on est à l'unité près. Certes, 80% des détenus environ sont des étrangers sans papiers, mais il en reste 20% avec lesquels on pourrait travailler plus en souplesse.»

Pierre Maudet et l'Office pénitentiaire critiqués

Aujourd'hui, le syndicat critique ouvertement le conseiller d'Etat Pierre Maudet, dont la planification pénitentiaire et l'accord avec le procureur, qui a conduit à une augmentation sensible des incarcérations, auraient été «conçus de manière hâtive, dans la précipitation. La situation est insupportable aujourd'hui, et pour aujourd'hui, il n'y a strictement rien de prévu.»

Quant à la réforme de l'Office pénitentiaire, «qui a montré son incapacité à prendre des mesures cohérentes et efficaces», elle serait «opaque. Nous n'avons pas été associés aux travaux.»

«Si on n'est pas entendus...»

Les manifestants ne se sont pas contentés de manifester devant Champ-Dollon. Ils se sont rendus en cortège devant l'établissement de la Brénaz, afin de montrer leur «solidarité» avec leurs collègues qui bénéficient d'un statut moins avantageux que le leur. «Nous éviterons le piège de la division.» Christian Antonietti a enfin annoncé que ce débrayage n'était qu'un hors-d'oeuvre. «Cette manifestation était soft. Si on n'est pas entendus, il faut vous attendre à d'autres actions, et ceci très rapidement.»

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