Confédération«Combien, comme moi, se font taper parce qu’ils ont l’air gay?»
Après une énième agression d’un LGBT à Genève, une coalition du Conseil national demande un plan d’action fédéral autour des crimes homophobes.

Meruh Frutiger, jeune mannequin androgyne zurichois, défile tant avec les hommes qu’avec les femmes.
«À cause de ma tenue, je me suis fait prendre à partie par un groupe de mecs qui ont pensé que j’avais l’air gay et faible, raconte Meruh Frutiger, mannequin androgyne connu outre-Sarine. C’était samedi, dans un train parti de Genève. Ils m’ont accosté, m’ont insulté, j’ai couru et ils m’ont rattrapé pour me frapper jusqu’à ce que mon nez saigne.» Pour le jeune homme, pas facile de témoigner de cet épisode traumatisant. Il a souhaité en parler pour soutenir la démarche du conseiller national Angelo Barrile (PS/ZH). Parallèlement, il a déposé plainte contre inconnu.
Dans un postulat, l’élu demande un plan d’action national pour réduire les violences homophobes, venir en aide aux victimes, et tenir des statistiques toujours inexistantes malgré des demandes répétées. «De telles expériences sont monnaie courante pour les personnes LGBTI», assure-t-il. Lui-même homosexuel, Angelo Barrile raconte avoir subi des violences alors qu’il se promenait à Zurich avec son compagnon. L’association Pink Cross, qui appuie son intervention, assure que sa helpline reçoit des signalements quotidiens de victimes de crimes de haine, qui ne vont pas porter plainte par peur de la réaction des agents non sensibilisés à la problématique. «Seul Fribourg forme ses agents en ce sens, précise sa porte-parole Muriel Waeger, mais ces disparités entre cantons ne peuvent pas continuer.» Le Grand Conseil valaisan, lui, a refusé ce printemps de tenir des statistiques cantonales, estimant que «ce n’était ni le bon endroit, ni le bon moment pour mettre à jour des données personnelles», selon le Conseiller d’État Frédéric Favre.

Le conseiller national zurichois Angelo Barrile dit avoir lui-même vécu des agressions homophobes.
KeystoneOpposant de longue date à ce genre de mesures, l’UDC genevois Yves Nidegger se méfie de cette nouvelle proposition. «Notre société n’a jamais été aussi ouverte et tolérante qu’aujourd’hui. Les condamnations pénales font déjà l’objet de statistiques, et si cette problématique avait une réelle consistance, on en trouverait des traces, au moins dans les mains courantes des postes de police, or ce n’est pas le cas. Il me semble problématique de créer des statistiques à partir de rien, sinon une hypothèse idéologique.»
Vieux débat, nouvelle ère?
Après plusieurs tentatives, 2020 pourrait finalement être propice à l’aboutissement d’une telle proposition, estiment les partisans du postulat Barrile. Dès le 1er juillet et à la suite de la votation du 9 février, les appels à la haine homophobe sont pénalement condamnables. En outre, le nouveau Parlement élu en 2019 semble plus ouvert aux questions sociales de ce type.