Que cherche le Rwanda dans l’est de la RDC?

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ConflitQue cherche le Rwanda dans l’est de la RDC?

Le groupe armé M23 et l'armée rwandaise ont uni leurs forces pour prendre Goma, grande ville congolaise. Pour des questions de sécurité ou pour des raisons économiques?

Le M23 a pris Goma.

Le M23 a pris Goma.

AFP

Le M23, groupe armé antigouvernemental, et l’armée rwandaise, son alliée, contrôlent désormais la quasi-totalité de Goma, grande ville de l’est de la République démocratique du Congo (RDC), cœur économique d’une région riche en minerais. Selon des analystes, leur objectif est à la fois économique et sécuritaire.

Pourquoi l’armée rwandaise et le M23 ont-ils pris Goma?

Le président rwandais, Paul Kagame, affirme que sa priorité pour l’est de la RDC est de détruire les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Ce groupe armé, créé par d’anciens responsables du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, est installé dans l’est de la RDC, ce que Kigali considère comme une menace permanente.

Beaucoup d’analystes considèrent cependant que le Rwanda est plus intéressé dans cette région par les riches ressources naturelles, notamment le tantale et l’étain, massivement utilisés dans les batteries et les équipements électroniques, ainsi que l’or.

«Il y a une volonté de contrôler les ressources de l’est du Congo», estime Thierry Vircoulon, de l’Institut français des relations internationales (Ifri), pour qui la menace du FDLR est «un prétexte depuis 20 ans».

Mais Bram Verelst, de l’Institut d’études de sécurité (ISS) basé en Afrique du Sud, affirme que le monde devrait prendre au sérieux les inquiétudes du Rwanda ou du moins comprendre le contexte qui les nourrit. «L’État rwandais a été bâti après le génocide de 1994 (qui a fait 800'000 morts). Il est extrêmement sensible à ce qu’il perçoit comme une idéologie génocidaire ou toute autre forme d’opposition», explique-t-il.

Le M23 peut-il tenir Goma?

Le M23, né en 2012, a brièvement occupé Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, à la fin de la même année, avant d’être vaincu militairement l’année suivante sur fond de divisions. Estimé à 3000 hommes, le groupe a opéré une spectaculaire résurgence depuis la fin 2021.

«Cette fois-ci, il est moins probable de voir une division parce que l’armée rwandaise est plus profondément impliquée», affirme un analyste. Le M23 est déterminé à montrer qu’il peut gouverner de manière efficace, ajoute-t-il: «Ils passent beaucoup de temps dans leur propagande à critiquer la mauvaise gouvernance et la corruption du gouvernement congolais».

De son côté, Thierry Vircoulon est sceptique quant aux chances du groupe. «Le M23, ce n’est pas beaucoup de combattants, dans le fond. Ça va être très compliqué de tenir une ville de plus d’un million d’habitants», juge-t-il.

Le M23 ira-t-il plus loin?

Des sources locales ont indiqué mercredi soir que le M23 a avancé sur un nouveau front en s’emparant de deux localités dans la province voisine du Sud-Kivu, sans combattre. Pour l’ambassadeur itinérant du Rwanda pour la région des Grands Lacs, Vincent Karega, le M23 «va continuer» d’avancer bien au-delà de Goma, et peut-être même aller jusqu’à Kinshasa, à l’autre bout du pays: «C’est possible parce que toutes les forces (de la RDC) et les capacités militaires étaient concentrées à Goma. Le reste du pays n’est pas aussi protégé».

Selon les analystes interrogés par l’AFP, cette option reste peu probable, étant donné notamment l’immensité du pays. Pour autant, le M23 va continuer de pousser au nord vers Lubero, au sud vers Bukavu et à l’ouest vers Walikelo, dit Bram Verelst: «C’est tout à fait une possibilité que nous observions une expansion (du conflit) sur de multiples fronts, mais c’est aussi assez incertain pour le moment, parce que le M23 doit consolider ses acquis».

(afp/jw)

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