VaudContre l’addiction au smartphone, La Voix de la diversité
Un groupe de jeunes Vaudois demande au Canton de créer des structures de sensibilisation et prévention contre les risques liés à l’utilisation excessive du natel. Ils ont en effet constaté qu’avec le confinement le phénomène s’était aggravé chez les jeunes.
«Combien de temps par jour je passe sur mon téléphone? Voilà une question que chacun devrait se poser. D’ailleurs, la plupart des appareils ont une fonction permettant d’y répondre précisément et qui n’est que rarement consultée. En faisant cette démarche, on est toujours surpris par le résultat. Comme les connexions sont diluées sur l’ensemble de la journée, on ne perçoit pas clairement le temps que cela nous prend», explique Yasser Khazaal, médecin chef au Service de médecine des addictions du CHUV et professeur à l’Université de Lausanne. Mais à quel moment bascule-t-on dans l’addiction? «Ce n’est pas seulement une question d’heures. C’est l’impact qu’une utilisation excessive peut avoir sur notre quotidien qui est déterminant. Lorsqu’elle a des conséquences persistantes sur la vie sociale, la scolarité, le travail, ou le sommeil, par exemple, c’est là qu’il y a lieu de consulter», répond le Dr Khazaal.
Un groupe de jeunes Vaudois, La Voix de la diversité (lire encadré), s’est penché sur la question et vient de publier une série de vidéos pour sensibiliser les jeunes à cette problématique. «C’est une thématique que nous avions déjà commencé à aborder. Mais, dans le cadre du confinement, nous avons constaté que de nombreux jeunes sont concernés, nous les premiers. Il y avait donc une forme d’urgence», partage Jennifer Lepredour, l’une des neuf membres. Parmi ses vidéos les plus récentes, le groupe a notamment souhaité mettre en lumière différentes affections liées à cette addiction: le cybermalaise, la nomophobie, le syndrome de l’œil sec et le téléphone fantôme.

À tour de rôle, les membres de la Voix de la diversité se sont mis en scène dans de petites vidéos.
DR«Les gens doivent savoir qu’il y a des risques à prendre en compte, lorsqu’on décide d’aller voir combien de likes a récolté notre dernière publication, ou de passer un niveau de plus sur un jeu», lance Jennifer Lepredour. Et le spécialiste d’ajouter: «La liste des difficultés est longue et variée et il est important de se questionner face à ces manifestations. Mais elles ne sont pas en elles mêmes la preuve que la personne souffre d’une addiction. Celle-ci se caractérise avant tout par une réduction des champs d’intérêt à un domaine spécifique, en négligeant les autres, et en ayant de la peine à contrôler ce comportement.»
Une addiction ou des addictions, telle est la question
La technologie actuelle, associée aux données illimitées et aux réseaux wifi, fait qu’aujourd’hui «les interfaces entre les humains et ces technologies augmentent. Leur utilisation excessive ou les conduites addictives qui parfois s’y associent peuvent toucher beaucoup de personnes. Il y a quelques années, il s’agissait essentiellement de la tranche des 15-25 ans. Mais on constate que le phénomène traverse désormais les tranches d’âge. Au sein du corps médical, toutefois, l’addiction au smartphone n’est pas reconnue mais plusieurs lui sont apparentées, comme l’addiction aux jeux vidéo, ou aux jeux d’argent», précise le professeur.
Il est également difficile de dissocier l’utilisation excessive du téléphone portable de celle des écrans. Les différents supports étant complémentaires, il est possible de poursuivre une activité initiée avec un smartphone sur un ordinateur ou une console de jeu. «Selon une étude que nous nous sommes procurés, les enfants âgés de 8 à 12 ans passent plus de cinq heures par jour devant un écran. Pour les 13-18 ans, c’est près de sept. Et cela, presque exclusivement durant leur temps libre. C’est dire s’il doit leur rester peu de temps pour faire autre chose», déplore Jennifer Lepredour.
Inquiète, La Voix de la diversité à déposé lundi un dossier auprès de la Commission de jeunes du canton de Vaud, pour demander que des structures de sensibilisation et de prévention soient mises sur pied. «Cette addiction est un problème dont il faut parler, mais les initiatives comme la nôtre ne suffisent pas. Il faut que les parents, les profs, les jeunes et les experts soient impliqués», souligne Jennifer Lepredour. Et le Dr Khazaal de souligner l’importance d’activités et d’intérêt diversifiés pour se protéger des risques liés aux usages excessifs des smartphones.
La différence est une force
Fondé il y a environ une année, le groupe La Voix de la diversité compte actuellement 9 membres, âgés de 15 à 25 ans. Leur particularité? Du requérant d’asile à l’employé de commerce en passant par l’étudiant, ou encore du Suisse à l’Érythréen en passant par l’Albanais, ils sont tous d’origines et de milieux différents. «Ceux qui sortent du moule, quelle qu’en soit la raison, hésitent souvent à prendre la parole, car ils pensent ne pas en avoir la légitimité. Mais c’est faux! Non seulement ils ont le droit de s’exprimer, mais ils peuvent aussi faire bouger les choses», résume Jennifer Lepredour. Si actuellement le thème de l’addiction aux écrans les occupe, ces jeunes Vaudois ont déjà choisi leur prochain cheval de bataille: le mobbing en apprentissage. A noter que La Voix de la Diversité a été créée par la plateforme Albinfo.ch. Elle est soutenue principalement par la Fondation Mercator Suisse, la Commission fédérale de la Migration, et le Service de Protection à la Jeunesse du canton de Vaud.