Découverte à LausanneChez cette espèce, les femelles peuvent se passer des mâles
Des chercheurs lausannois ont découvert des phasmes dont la sexualité répond à des règles très rares dans le règne animal. De quoi aider à comprendre «à quoi sert le sexe», une question qui intrigue les biologistes depuis longtemps.

Le phasme Timema douglasi, découvert par une équipe de l’Unil, pourrait être un chaînon manquant de l’évolution.
Bart Zijlstra«Les gens qui disent qu’il faut forcément un papa et une maman ne se sont pas intéressés à ce qui se passe dans la nature! Chez ces phasmes, les mâles sont en option», résume Guillaume Lavanchy, chercheur en biologie à l’Unil. L’espèce découverte par son laboratoire récemment amène de nouvelles pistes pour répondre à une question qui tient les biologistes en échec depuis des décennies: «à quoi sert le sexe?»
Tout a commencé en Californie lorsque le Lausannois et son équipe ont découvert des groupes de phasmes parmi lesquels le taux de mâles variait fortement; certains n’en comptaient même pas du tout. La raison: pour se reproduire, les femmes peuvent choisir entre un rapport sexuel avec un mâle, ou une reproduction asexuée, autonome. Quand elles enfantent seules, elles ne pondent ensuite que des femelles, qui ont également le choix de leur reproduction.
«Le sexe est une absurdité biologique»
«Le sexe est une absurdité biologique, car c’est bien plus simple et efficace de se reproduire seule, explique Guillaume Lavanchy. L’avantage du sexe se trouve notamment dans la diversité génétique apportée par le mélange des deux individus, mais un «coup de sac» toutes les quelques générations, comme chez les pucerons, suffit largement.» Du coup, pourquoi cette méthode de reproduction à la carte n’est-elle pas plus fréquente, s’interrogent les biologistes.
L’étude du phasme Timema douglasi donne une réponse inédite à cette question: parce qu’il vaut mieux se spécialiser dans une méthode de reproduction. Les femelles capables des deux techniques sont moins efficaces dans chacune d’entre elles que celles qui n’ont qu’une seule option. Elles ont donc tendance à se spécialiser. Pour le romantisme, on repassera, mais ce chaînon manquant de l’évolution de la sexualité du règne animal a désormais sa place dans la littérature, l’étude ayant été publiée début juillet dans la revue scientifique gratuite Peer Community Journal.
Parfois sans les mâles, jamais sans les femelles
La parthénogenèse, soit la reproduction sans mâles, existe dans la nature même c’est plutôt rare. On la trouve notamment chez certains insectes, poissons ou encore lézards. Les femelles, elles, sont toujours nécessaires au processus, même si leur patrimoine génétique peut être écarté par la suite, comme chez certaines fourmis, des coquillages, et même un arbre. D’autres spécialités existent dans la nature, comme le cas des poissons-clown qui naissent tous mâles et deviennent femelles à la mort de leur partenaire, ou le cas des escargots qui sont à la fois mâles et femelles, donc hermaphrodites.