Genève – Des étudiants squattent la cafétéria pour des repas à 3 fr.

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GenèveDes étudiants squattent la cafétéria pour des repas à 3 fr.

Depuis mardi, ils sont une trentaine à occuper le resto d’Uni Mail et à y cuisiner pour leurs camarades.

Jeudi midi, devant la cafétéria d’Uni Mail, à mesure que les auditoires se vident, la file s’allonge devant la cafétéria. Depuis mardi, pas de professionnels aux fourneaux, mais des étudiants servant leurs pairs. Au menu, féculents avec sauce tomate ou lait de coco et légumes. Le tout est végane et a été cuisiné sur place par des bénévoles. Les étudiants tendent leurs assiettes ensuite généreusement remplies avant d’aller s’attabler par groupes dans une cafétéria décorée de nombreux calicots revendicatifs. «C’est très bon et ça remplit bien», juge Ari, attablé avec trois amies.

Repas à prix libres

Mardi matin, la CUAE, faîtière des associations d’étudiants de l’Université (UNIGE), a pris possession des lieux. Depuis, 30 à 40 jeunes les occupent, certains y dormant. «Nous servons 600 à 800 assiettes par jour à prix libre. Les gens jouent le jeu et nous ne sommes pas déficitaires», détaille El Shaddai Abebe, secrétaire de la CUAE, précisant avoir également reçu des dons, comme cette palette de smoothies qui fait le bonheur des étudiants. La faîtière revendique depuis plusieurs mois des repas à 3 fr. pour tous, immédiatement, ainsi que l’internalisation de la cafétéria, qui serait en partie autogérée par les étudiants. L’occupation fait suite à deux actions devant les locaux d’Uni Mail. «Nous avons transmis nos demandes au rectorat et au Département de l’instruction publique, mais, pour l’heure, nous n’avons aucune garantie de leur part.»

«Des étudiants ne mangent pas à leur faim»

Devant le bar, Alma, membre de l’espace autogéré le Nadir, remue une sauce dans une énorme casserole. «Là, on a des légumes avec du lait de coco et des épices, explique-t-elle. On essaie de cuisiner végane, mais aussi sans gluten ou lactose pour qu’un maximum de monde puisse en bénéficier.» La jeune femme a lâché ses cours pour donner un coup de main. «Cette revendication est juste et me tient à coeur.» Elle précise avoir la chance d’être soutenue par ses parents, mais «je connais des étudiants qui ne mangent pas à leur faim. Certains doivent jongler entre études et emploi pour subvenir à leurs besoins.»

«Entre le loyer et la nourriture, ce n’est pas facile»

La très grande majorité des étudiants croisés devant la cafétéria partagent ces revendications, comme Léonora. «Je viens de La Chaux-de-Fonds. Entre le loyer et la nourriture, ce n’est pas facile.» Un peu plus loin, Valeria, d’origine russe, juge la demande nécessaire. «Avec le Covid, certains se sont retrouvés sans ressources.» Elle raconte avoir effectué un Erasmus en France et avoir noté «qu’il est possible de se procurer de la nourriture à moindre coût. Ici, c’est impossible.» La méthode, forte, puisque occuper un lieu équivaut à une violation de domicile, ne choque pas forcément les étudiants comme Ari, qui estime que «c’est certes un peu radical, mais si c’est le seul moyen pour faire comprendre à l’université et au canton que certains sont dans le besoin et qu’on n’est pas tous nés avec une cuillère en or dans la bouche, alors c’est une action à soutenir.»

Pas d’arrosage

Les voix opposées sont rares, à l’image de ces deux étudiantes qui ne souhaitent pas dévoiler leur nom, mais qui critiquent l’idée de faire bénéficier tout le monde, sans distinction de moyens, de repas peu chers subventionnés par la collectivité. «Moi, je n’ai pas besoin de plats à trois francs. J’estime qu’il serait égoïste d’en bénéficier alors que j’ai les moyens de payer davantage, c’est irréaliste», confie l’une d’elles. D’autres, qui fréquentent peu les bâtiments, ne sont pas au courant.

L’UNIGE indique que 1158 étudiants (6% du total) ont sollicité une aide financière en 2021. Elle dit partager le souci de la précarité des étudiants et précise travailler sur cette problématique depuis longtemps. L’institution estime que les repas à 3 fr. ne sont pas soutenables sur le long terme et souligne que, dès la rentrée 2022, des plats à 5 fr. seront proposés. Une offre insuffisante pour les occupants, qui se disent prêts à poursuivre leur action jusqu’à une éventuelle évacuation.

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